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Par Sandra Mézière. L'actualité de Deauville et du Festival du Cinéma Américain depuis 25 ans. Pour l'actualité cinéma et son actualité d'auteure : Inthemoodforcinema.com. Les 50 ans du Festival du Cinéma Américain de Deauville en direct ici.
En attendant de vous commenter longuement la compétition et le palmarès et de mettre en ligne les vidéos de celle-ci, voici le palmarès de ce 33ème Festival du Cinéma Américain de Deauville en direct...ou presque.
Prix de la critique internationale: "Grace is gone" de James C.Strouse
Prix de la révèlation Cartier: "Rocket science" de Jeffrey Blitz
Prix du documentaire: "The war" de Ken Burns et Lynn Novick
Prix Michel d'Ornano: "La vie d'artiste" de Marc Fitoussi
Prix du jury: "Never forever" de Gina Kim (photo ci-dessus)
Dès demain lundi, retrouvez de nombreux nouveaux articles sur "In the mood for Deauville": le bilan de la compétition 2007, le palmarès, "un brin de poésie" à la villa Cartier, le dernier film des frères Farelly, le dernier film de Sidney Lumet et l'hommage à celui-ci, mon bilan de ce festival 2007, de nouvelles vidéos et critiques de films.
Bref, revenez sur "In the mood for Deauville", de nombreux articles y seront ajoutés ces jours prochains et en attendant je vous invite à consulter les articles figurant déjà sur ce blog...
Une fois de plus cette année, Deauville a créé l’évènement en projetant le premier film réalisé par Ben Affleck « Gone baby gone » en avant-première mondiale. « Gone baby gone » est un film inspiré du roman éponyme de Denis Lehane, il relate l’enquête après la disparition d’une petite fille de 4 ans dans une banlieue pauvre de Boston, plus exactement à Dorchester, le plus grand et le plus hétéroclite des quartiers de Boston, à travers le regard de deux jeunes détectives privés interprétés par Casey Affleck (qui prouve une nouvelle facette de son talent déjà éclatant dans le film projeté avant-hier « L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford ») et Michelle Monaghan . Avec ce premier film Ben Affleck a choisi d’explorer les bas-fonds voire les tréfonds obscurs et secrets de ce quartier de Boston, avec ses visages patibulaires, marqués par la souffrance, la violence, l’aigreur. Surtout le désespoir. Mais il explore surtout les tréfonds de l’âme, de consciences confrontées à de cruels dilemmes, là où la frontière entre le bien et le mal, le crime et l’innocence est si étanche, là où le basculement de l’un à l’autre est si aisé, là où rien n’est noir ou blanc mais où tout est complexe à commencer par les sentiments humains et la morale. Comme un troublant écho aux deux films évoqués dans mon article d’hier, ce film démontre que « bien agir peut avoir des conséquences néfastes et que des personnes proches et intelligentes peuvent sortir différemment d’un dilemme moral » et qu’on peut commettre le mal pour obtenir le bien, ou sous prétexte d’obtenir le bien, qu’une bonne intention ou qu’une pseudo bonne intention peut se révéler nuisible. En résulte un film âpre et angoissant, empreint de réalisme et de tension du début à la fin, à la réalisation très maîtrisée, particulièrement pour un premier film avec une distribution particulièrement réussie : Casey Affleck, Ed Harris, Morgan Freeman, Michelle Monaghan mais aussi des acteurs non professionnels. Un film avant tout intéressant pour son ambiguïté morale… Un premier film prometteur.
L'équipe du film ovationnée à l'issue de la projection:
Bienvenue sur "In the mood for Deauville" si vous tombez sur ce blog suite à l'article consacré à ce dernier, paru dans le journal Ouest-France de ce 6 septembre 2007.
Si vous voulez en savoir un peu plus sur mon parcours,
Je précise que Gilles Porte et Anna de Palma ne m'ont pas "découverte", comme spécifié dans l'article, mais plus excatement qu'ils m'ont gentiment contactée suite à des articles du blog concernant leurs films qui les avaient touchés...comme d'autres.
Chaque jour ou presque des images d’attentats suicides en Irak nous parviennent. Nous parviennent ou ne nous parviennent plus d’ailleurs car trop atroces pour sembler réelles elles créent parfois une distance, elles nous paraissent parfois chimériques et factices comme les images d’un blockbuster outrancier. La réalité ressemble parfois dramatiquement à du mauvais cinéma. La difficulté mais aussi la nécessité pour le cinéma de s’en emparer est donc d’autant plus grande. Plusieurs films de ce festival ont ainsi pour cadre le conflit irakien notamment « Dans la vallée d’Elah » de Paul Haggis et « Grace is gone » de James C.Strouse. Le premier était particulièrement attendu, étant le seul oscarisé deux années de suite, pour « Million dollar baby » mais surtout « Collision » qui avait également remporté le grand prix à Deauville. Ce film portait d’ailleurs déjà sur les répercussions du 11 septembre 2001 et la paranoïa qui s’était alors emparée de l’Amérique. « Dans la vallée d’Elah » raconte la quête d’un père dont le fils, de retour d’Irak pour sa première permission, disparaît mystérieusement et est alors signalé comme déserteur. Quête de son fils puis de la vérité une fois ce dernier retrouvé mort et atrocement mutilé. Ce père, un ancien membre de la police militaire est interprété par Tommy Lee Jones. Il sera aidé dans ses recherches par Emily Sanders (Charlize Theron), officier de police de la juridiction du Nouveau Mexique où le jeune soldat a été aperçu pour la dernière fois… Paul Haggis avait visiblement un désir profond et violent d’évoquer ce sujet, de lutter et se révolter à sa manière. C’est un peu comme si les émotions, probablement sincères, s’étaient bousculées dans son esprit mais qu’il n’était pas parvenu à les canaliser, paralysé par l’enjeu, dépassant soudain le cinéma, et nous jetant ainsi en pleine figure sa révolte comme un magma incontrôlable et chaotique. Le but est tellement ouvertement affiché par le cinéaste, les moyens sont tellement flagrants qu’ils en perdent presque leur force. Plutôt que de nous montrer les images insoutenables du journal télévisé, Paul Haggis égrène les images de la guerre par petites touches, par le prisme d’un écran de téléphone avec lequel le jeune soldat avait filmé la guerre. Et puis l’horreur surgit brutalement, s’immisçant dans la réalité américaine apparemment si loin de ces images de guerre, d’un pays pourtant en guerre, si loin, là-bas de l’autre côté de l’écran de télévision et finalement donc si irréelles. La bonne idée est donc d’évoquer les conséquences de la guerre dans la société américaine, de la faire passer de la virtualité à la réalité : chaque américain peut alors s’identifier à ce père qui recherche son fils et le retrouve mutilé… davantage qu’à ces images de massacres pourtant non moins tragiques . Paul Haggis s’est donc intéressé au comportement des soldats une fois de retour du front : leur comportement est anormal et déséquilibré, inhumain (ou justement trop humain ?) et animal. La guerre , les horreurs dont ils ont été témoins et parfois les auteurs les ont déshumanisés….ou peut-être l’inverse , c’est selon… Ils ont le droit quasi divin de droit et de mort, ce droit qui n’appartenait auparavant qu’à ces fictions qu’il regardait probablement avec désinvolture, comme celles d’un ailleurs, d’une illusion impossibles, bref comme une fiction d’où la difficulté pour la fiction de s’emparer de ce qui apparaît déjà comme fictif. Ils ont perdu leurs repères et toute notion de normalité. Elah fut ainsi, selon la bible, le théâtre de l’affrontement de David et Goliath. Le titre évoque ainsi les suites tragiques d’une guerre qui semble perdue d’avance : le traumatisme des soldats de retour à la vie civile. Paul Haggis explique ainsi le titre : « Saül envoya David dans la vallée d’Elah avec seulement cinq pierres pour affronter Golath. Je pose la question : Qui oserait cela aujourd’hui ? Qui demanderait à un enfant de se battre contre un géant ? Envoyer des jeunes hommes et des jeunes femmes faire la guerre engage notre responsabilité collective ».
Si le dessein et le propos sont louables, le film est selon moi néanmoins raté (mais cela n’engage que moi, le film a été longuement ovationné lors de son projection en avant-première au CID, voir vidéos ci-dessous) pour les raisons évoquées ci-dessus (l’impossibilité pour Paul Haggis de contenir son émotion et de produire un film « ordonné ») mais aussi parce que certaines situations sont totalement improbables recréant la distance de l’écran de télévision, notamment parce que les personnages secondaires sont caricaturés : ainsi va-t-il de l’épouse et mère évidemment éplorée (Susan Sarandon) mais aussi de la relation entre le père du jeune soldat et l’officier de police (Charlize Theron, remarquable néanmoins) : comment croire qu’on laisse un père ainsi s’immiscer dans une enquête en cours, tout ancien militaire qu’il soit ? Comment peut-on trouver crédible que l’officier de police l’invite chez lui à bavarder autour d’un verre, à raconter une histoire à l’enfant de l’officier de police (un fils évidemment, l’histoire de David contre Goliath évidemment aussi) etc ? Premier des 7 films qui vont sortir prochainement concernant la guerre en Irak, l’intérêt film est donc son sujet davantage que le traitement de celui-ci. Reste l’image finale : celle d’un drapeau américain déchiquetée flottant dans l’air. Celle d’une Amérique blessée, coupable et victime, mais oui, blessée en tout cas, qui continue à se battre, aveugle ou aveuglée, malgré les stigmates de la guerre. Le combat de David contre Goliath. Mais ce n’est pas la vallée d’Elah. Mais ce ne sont pas que des images, juste que des images, surtout atroces chaque soir, entre le potage et le plat de résistance. C’est l’Irak. Un combat jusqu’à quand et jusqu’où… ?
« Avec Grace is gone », en compétition officielle, le parti pris de James C. Strouse est tout autre : pour émouvoir le spectateur, pour qu’il se sente concerné, pour qu’il considère à quel point ce conflit et réel et à quel point il est là aussi avec des implications ici et maintenant, il filme l’impossibilité pour un père d’avouer à ses filles la vérité : leur mère, militaire, a été tuée en Irak. Si le public est forcément ému à cette histoire à laquelle chacun peut s’identifier (et par cet aspect c’est une réussite) James C .Strouse, ne nous épargne aucun effet susceptible de nous émouvoir : musique outrancière, gros plans sur les larmes… Reste un film touchant à défaut d’être marquant et novateur.
Il ne faudrait néanmoins pas que la guerre en Irak devienne une fausse bonne raison, un prétexte fallacieux pour émouvoir le spectateur. Le propos perdrait alors de sa force et de l’écho : il en a tant besoin…
A suivre sur « In the mood dor Deauville » : « Factory girl », et la critique du premier film de Ben Affleck en tant que réalisateur (photo ci-dessous), en avant-première mondiale « Gone, baby gone »… et toute l’actualité du festival.