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IN THE MOOD FOR DEAUVILLE 2024 - Page 7

  • Ouverture du 48ème Festival du Cinéma Américain de Deauville

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    Ce que nous demandons au cinéma, c'est l'impossible, c'est l'inattendu, le rêve, la surprise, le lyrisme qui effacent les bassesses dans les âmes et les précipitent enthousiastes aux barricades et dans les aventures." Robert Desnos 

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    Et pourquoi ne pas demander cela à la réalité aussi ? Qu'elle soit un film palpitant. Éclairé d'allègres impossibles. D'inattendus plaisants. De rêves fous. De surprises grisantes. De lyrisme galvanisant. Et d'enthousiasme débordant. Défiant la logique et le cynisme et le temps carnassier et la raison. Et puis ajoutons-y un peu de magie en écho à l'affiche de cette 48ème édition du Festival du Cinéma Américain de Deauville représentant Le magicien d'Oz. Beau programme, non ? Celui pour ces 9 jours à venir, au moins, déjà. 

    C'est  toujours intensément joyeux de revenir au Festival du Cinéma Américain de Deauville depuis tant d'années. À peine arrivée, la bulle des souvenirs, du présent, du cinéma, des retrouvailles amicales m'enveloppe, suscitant la douce et traîtresse impression que cela durera toujours et que cela n'a jamais vraiment cessé, que les balafres de la vie ne sont que du cinéma et que la vraie vie est là, dans cet interstice d'illusions enchanteresses. 

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     Le programme sera beaucoup plus sombre sur les écrans, les films du festival et en particulier ceux de la compétition ayant la particularité de dresser un état des lieux des États-Unis dont c'est un euphémisme de dire que, comme le reste du monde, ils ne sont pas au mieux de leur forme. Cela a ainsi commencé ce soir après  la cérémonie d'ouverture  avec le film d'ouverture, Call Jane de Phyllis Nagy, qui évoque un sujet redevenu tristement d'actualité aux USA, les avortements clandestins. Je vous en parlerai en détails ultérieurement. 

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    La projection fut précédée de la remise du Prix du Nouvel Hollywood à Lucie Boynton et l'envolée des notes du pianiste Alexandre Tharaud venu interprété sur scène des morceaux de  bandes originales parmi lesquelles : La Liste SchindlerLa la land et même la sublime musique composée par Philippe Sarde pour Les choses de la vie, chef-d'oeuvre de Claude Sautet.

     "La musique exprime ce qui ne peut être dit et sur quoi il est impossible de rester silencieux." Victor Hugo

  • Festival du Cinéma Américain de Deauville 2022 : programme complet de la 48ème édition

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    Pour l’édition 2021 du Festival du Cinéma Américain de Deauville, l’ouverture au son des Moulins de mon cœur de Michel Legrand (ré)interprétés au piano par Steve Nieve, à l'image de l'affiche de cette précédente édition, nous invitait à embrasser la vie, à nous étourdir de cinéma, pour nous éloigner de l'âpreté de l'actualité. Les films, toujours un instantané de l'Amérique contemporaine, nous y ramenaient cependant aussi, déconstruisant le rêve américain, explorant le besoin de (re)pères d’êtres désorientés, traquant le mensonge. Le portrait d’une Amérique déboussolée, en quête de vérité, se raccrochant aux liens familiaux souvent dépeints comme instables. Plus que jamais, le cinéma et ce festival se révèlent indispensables. Pour braquer la lumière sur les ombres du monde. Pour essayer de les éclairer. Mais aussi pour s’en évader.

    La conférence de presse de cette 48ème édition du festival a eu lieu ce jeudi 18 août à 11H30 aux Franciscaines de Deauville.  Je vous invite à me suivre en direct du festival sur Instagram (@Sandra_Meziere.)

    De l’édition 2022, la 48ème, nous savons que :

    -elle se déroulera du 2 au 11 septembre au Centre International de Deauville, au casino et au Cinéma Morny, tout juste repris par le groupe présidé par Richard Patry,

    -l’affiche rend hommage au Magicien d’Oz de Victor Fleming,

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    -Arnaud Desplechin en présidera le jury. (Retrouvez, ici ma critique de son dernier film Frère et sœur.) Un film sublime mais suffocant qui serre le cœur et  dont on ressort prêts à affronter les vicissitudes torves et terrassantes de l'existence, et à laisser le cinéma et la poésie les réenchanter...une fois de plus.

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     - Arnaud Desplechin sera entouré de : Jean Paul Civeyrac, Pierre Deladonchamps, Yasmina Khadra, Sophie Letourneur,  Alex Lutz et Marine Vacth.

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    - Les films en compétition parmi lesquels 8 premiers films, avec pour thématique récurrente annoncée, le passage à l’âge adulte, sont les suivants :

    1-800-HOT-NITE de Nick Richey

    AFTERSUN de Charlotte Wells - 1er film

    DUAL de Riley Stearns

    EMILY THE CRIMINAL de John Patton Ford - 1er film

    MONTANA STORY de Scott McGehee & David Siegel

    OVER/UNDER de Sophia Silver - 1er film

    PALM TREES AND POWER LINES de Jamie Dack - 1er film

    PEACE IN THE VALLEY de Tyler Riggs

    SCRAP de Vivian Kerr - 1er film

    STAY AWAKE de Jamie Sisley - 1er film

    THE SILENT TWINS d’Agnieszka Smoczyńska

    WAR PONY de Gina Gammell & Riley Keough - 1er film

    WATCHER de Chloe Okuno - 1er film

    -  L’actrice Lucy Boynton recevra le Prix du Nouvel Hollywood lors de la soirée d’ouverture, le vendredi 2 septembre, à 19H30. La cérémonie sera suivie de la projection de Call Jane de Phyllis Nagy : un film « incontournable à l’heure où l’Amérique remet en question le droit à l’avortement. »

    Falcon lake de Charlotte Lebon recevra le Prix d’Ornano-Valentin succédant ainsi au film  Les Magnétiques de Vincent Maël Cardona. Titre qui sied magnifiquement à ce film enfiévré de sons et de musiques qui suinte la fougue, l’énergie, le désir, les certitudes folles, l’urgence ardente, la fragilité, le charme et la déraison de la jeunesse. Un vertige fascinant d’ondes et de lueurs stroboscopiques. Une expérience sensorielle qui vous donne envie d’empoigner et danser la vie, l’avenir et la liberté et que je ne peux que vous recommander à nouveau et dont vous pouvez lire ma critique complète ici.

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    -Le prix littéraire Lucien Barrière sera attribué à Michael Feeney Callan pour son livre sur Robert Redford publié aux Editions La Trace.

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     Le jury de la révélation sera cette année présidé par Elodie Bouchez. Elle sera accompagnée d’Andréa Bescond, Eddy de Pretto, Nicolas Pariser, Agathe Rousselle, et Yolande Zauberman.
    Ils remettront tous ensemble le Prix Fondation Louis Roederer de la Révélation lors de la cérémonie de clôture le 10 septembre. 

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    - Un film événement sera projeté à Deauville : BLONDE d'Andrew Dominik avec Ana de Armas sera projeté en Première à Deauville

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    Inspiré du best-seller de Joyce Carol Oates, BLONDE réinvente avec audace la vie de Marilyn Monroe et explore le décalage entre son image publique et sa vraie nature. Adapté du best-seller de Joyce Carol Oates, Prix littéraire Lucien-Barrière en 2010, BLONDE est une relecture audacieuse de la trajectoire de Marilyn Monroe. Écrit et réalisé par Andrew Dominik, le film réunit au casting Ana de Armas, Bobby Cannavale, Adrien Brody, Julianne Nicholson, Xavier Samuel et Evan Williams.

    Le film sera projeté en première française, en présence du réalisateur Andrew Dominik et de la comédienne Ana de Armas.

    - A l'occasion de la projection de BLONDE, Ana de Armas recevra le Prix du Nouvel Hollywood.

    - L’heure de la Croisette - Pour la troisième année consécutive, le festival s’associe avec le Festival de Cannes. La sélection cannoise sera entièrement consacrée au Palmarès 2022 et présentera la Palme d’or ainsi que les deux Grand Prix. Thierry Frémaux, Délégué Général du Festival de Cannes, sera présent à Deauville et présentera ces œuvres :

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    - SANS FILTRE de Ruben Östlund - Palme d’or 2022 - Avec Har­ris Dickin­son, Charlbi Dean, Woody Harrelson. Présenté en présence du réalisateur le jeudi 8 septembre à 19H30.

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    - CLOSE de Lukas Dhont - Grand Prix (Ex-aequo) 2022 - Avec Eden Dambrine, Gustav De Waele, Émilie Dequenne, Léa Drucker

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    - STARS AT NOON de Claire Denis - Grand Prix (Ex-aequo) 2022 - Avec Margaret Qualley, Joe Alwyn, Danny Ramirez

    - Fenêtre sur le cinéma français - Pour la deuxième année, le festival accueillera une sélection exclusive de trois films en avant-première mondiale pour une fenêtre française, en présence de leurs équipes.

    -  LA GRANDE MAGIE de Noémie Lvovsky 

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    Avec Denis Podalydès, Sergi López, Noémie Lvovsky, Judith Chemla, François Morel, Damien Bonnard, Rebecca Marder
    Un conte musical et baroque librement adapté de la pièce de théâtre « La grande magia » d’Eduardo de Filippo.


    - LA TOUR de Guillaume Nicloux

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    Avec Angèle Mac, Hatik, Ahmed Abdel-Laoui
     Le nouveau film de Guillaume Nicloux qui affirme cette vérité : le pire ennemi de l’Homme est bien lui-même.


    - LES RASCALS de Jimmy Laporal-Trésor

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    Avec Jonathan Feltre, Angelina Woreth, Missoum Slimani, Victor Meutelet
    Le premier long métrage du réalisateur de SOLDAT NOIR, court métrage remarqué à la Semaine de la Critique 2021 et nommé au César du meilleur court métrage cette année.

    - Comédienne de blockbusters, séries, théâtre et films d’auteurs, Thandiwe Newton se verra décerner un Deauville Talent Award.

    Dans la section « Premières » seront projetés les films suivants :

    ALICE de Krystin Ver Linden

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    ARMAGEDDON TIME de James Gray ( le samedi 3 septembre à 20H)

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    AT THE GATES d’Augustus Meleo Bernstein

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    BLONDE d’Andrew Dominik (le vendredi 9 septembre, précédé de la remise du Nouvel Hollywood à Ana De Armas)

    BLOOD de Brad Anderson (le lundi 5 septembre à 17H30)

    CALL JANE de Phyllis Nagy - Film d'ouverture

    DON’T WORRY DARLING d’Olivia Wilde - Film de clôture

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    GOD’S COUNTRY de Julian Higgins (le mardi 6 septembre, un polar féminin porté par Thandiwe Newton. Un Deauville Talent Award sera remis par Julie Gayet à la comédienne avant la projection).

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    JUNE ZERO de Jake Paltrow (le mercredi 7 septembre, Jake Paltrow est le frère de Gwyneth Paltrow, ce « film audacieux lève le secret sur la mort du criminel de guerre Adolf Eichmann).

    WHEN YOU FINISH SAVING THE WORLD de Jesse Eisenberg (projection le dimanche 4 septembre, après la remise du Deauville Talent Award à Jesse Eisenberg, à 20H avant la projection de son premier film en tant que réalisateur)

    X de Ti West

    Les films de la section « Les Docs de l’Oncle Sam »  :

    BELUSHI de R. J. Cutler

    BODY PARTS de Kristy Guevara-Flanagan

    BONNIE de Simon Wallon

    HALLELUJAH : LES MOTS DE LEONARD COHEN de Dan Geller & Dayna Goldfine

    HOLLYWOOD BUSINESS de Pascal Mérigeau, Bruno Icher & Jérémy Leroux

    LYNCH / OZ d’Alexandre O. Philippe

    MOONAGE DAYDREAM de Brett Morgen

    TELEVISION EVENT de Jeff Daniels

    THE WILD ONE de Tessa Louise-Salomé

    Carte blanche à Philippe Garnier de la Cinémathèque Française :

    Pour accompagner la sortie de « Génériques, la vraie histoire des films », recueil de textes de  Philippe Garnier consacrés au cinéma américain de l’aube des années 1940 à la fin de l’année  1977, le festival propose, en association avec la Cinémathèque française, partenaire fidèle du  Festival du cinéma américain de Deauville, et l’éditeur The Jokers Publishing, une Carte  Blanche à Philippe Garnier en présentant six films emblématiques de cette autre histoire du  cinéma américain :

    LE SECRET DERRIÈRE LA PORTE de Fritz Lang

    LA CITÉ SANS VOILES de Jules Dassin

    LE GRAND CHANTAGE d’Alexander Mackendrick

    LA CHEVAUCHÉE DES BANNIS d’André De Toth

    LE CONVOI SAUVAGE de Richard C. Sarafian

    TUEZ CHARLEY VARRICK ! de Don Siegel

    Le jeudi 8 septembre, à la suite d’une rencontre publique à Deauville aux Franciscaines, animée par Jean-François Rauger, directeur de la programmation de la Cinémathèque  française, Philippe Garnier fera une séance de dédicaces de son ouvrage. Un cycle augmenté de douze films sera repris à la Cinémathèque française du 14 au 19 septembre prochains

    Le Festival du cinéma américain de Deauville soutient la création musicale. Afin de renforcer une nouvelle fois le dialogue entre la musique et le cinéma, le festival a  souhaité mettre davantage en lumière la création musicale pour le cinéma. Ainsi, grâce au  soutien de la SACEM, le festival a invité Jérôme Rebotier, compositeur français de musique  de film, à venir participer à la vie du festival. Après Brisa Roché en 2019, Steve Nieve en 2020 et Audrey Ismaël en 2021, Jérôme Rebotier  composera certaines musiques spécialement pour le festival, que le public pourra écouter lors  des cérémonies officielles.

    - Retrouvez mon compte-rendu de l’édition 2021 du Festival du Cinéma Américain de Deauville dans le Magazine Normandie Prestige 2022 et ici.

    - Retrouvez aussi ma vision plus romanesque de Deauville dans ma nouvelle La porte des rêves parue en janvier aux Editions J’ai Lu (recueil « feel good » Avec ou sans Valentin), dans deux nouvelles de mon recueil Les illusions parallèles (Editions du 38- 2016) et pour aller un peu plus loin, partez pour Trouville avec ma nouvelle Les âmes romanesques, lauréate du prix Alain Spiess 2020, désormais disponible en podcast, ici.

    Pour connaître mon lien particulier avec ce festival et Deauville, retrouvez aussi mon interview dans la Gazette des Planches d’Automne 2021 mais aussi l’article du magazine Le 21ème de juin 2022 et du magazine Normandie Prestige 2022 (disponible à partir de ce mois-ci). Ces articles sont aussi à retrouver dans la rubrique « presse » de ce blog.

  • Programme du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2022

    En attendant la mise à jour et la reprise de ce blog, rendez-vous sur mon blog principal Inthemoodforcinema.com.

    Pour tout savoir sur le Festival du Cinéma Américain de Deauville 2022, retrouvez mon article à ce sujet en cliquant ici. 

    Vous pourrez aussi y suivre toute l'actualité du cinéma.

    Pour me suivre en direct du festival, mon compte instagram @sandra_meziere.

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  • Critique de FRÈRE ET SŒUR d’Arnaud Desplechin (président du jury du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2022)

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    Dans Les Fantômes d’Ismaël, la vie d’un cinéaste, Ismaël (Mathieu Amalric) est bouleversée par la réapparition de Carlotta, un amour disparu 20 ans auparavant. Un personnage irréel à la présence troublante et fantomatique incarné par Marion Cotillard, filmée comme une apparition, pourtant incroyablement vivante et envoûtante, notamment dans cette magnifique scène d’une grâce infinie lors de laquelle elle danse sur It Ain't Me Babe de Bob Dylan, une scène qui, à elle seule, justifie de voir le film en question. Dans ce film de 2017, Desplechin jongle avec les codes du cinéma pour mieux les tordre et nous perdre. A la frontière du réel, à la frontière des genres (drame, espionnage, fantastique, comédie, histoire d’amour), à la frontière des influences (truffaldiennes, hitchcockiennes -Carlotta est ici une référence à Carlotta Valdes dans Vertigo d’Hitchcock-) ce film est savoureusement inclassable, et à l’image du personnage de Marion Cotillard : insaisissable, et nous laissant une forte empreinte. Comme le ferait un rêve ou un cauchemar. Un film plein de vie, un dédale dans lequel on s’égare avec délice. Un film résumé dans la réplique suivante : « la vie m'est arrivée. » La vie avec ses vicissitudes imprévisibles que la poésie du cinéma enchante et adoucit.

    Dans Tromperie, le précédent film d'Arnaud Desplechin, dès la séquence d’ouverture, le cinéma, à nouveau, (ré)enchante la vie. Le personnage de l’amante incarnée par Léa Seydoux se trouve ainsi dans une loge du théâtre des Bouffes du Nord. Là, elle se présente à nous face caméra et nous envoûte, déjà, et nous convie à cette farandole utopique, à jouer avec elle, à faire comme si, comme si tout cela n’était pas que du cinéma. Un film solaire et sensuel, parfois doucement cruel mais aussi tendre, même quand il évoque des sujets plus âpres. Une réflexion passionnante sur l’art aussi et sur la vérité. Une réflexion que l’on trouve aussi dans Frère et sœur.

    Si dans Les Fantômes d’Ismaël, la présence de Marion Cotillard était troublante, elle est ici dans le rôle d’Alice carrément dérangeante pour son frère Louis (Melvil Poupaud). Ces deux-là se vouent une haine sans bornes. Elle est actrice. Il est professeur et écrivain. Alice hait son frère depuis plus de vingt ans. Un terrible accident qui conduit leurs deux parents en soins intensifs à l’hôpital va les réunir. Une scène aussi magistrale que terrible. A l’image de ce film.

    On retrouve ici tous les thèmes habituels de Desplechin, dans une sorte de maelstrom d’émotions qui ne nous laisse pas indemnes. Comme un voyage qu’on n’aurait jamais eu la folie d'effectuer si on avait connu d’avance les épreuves auxquelles il nous confronterait mais qu’on ne regrette malgré tout pas d’avoir entrepris pour la sensation qu’il nous laisse. Ce film est déchirant, éprouvant, déroutant aussi. Et Desplechin s’y amuse une fois de plus avec les codes narratifs du cinéma.

    Le début est aussi suffocant qu’impressionnant. La famille s’est rassemblée autour de Louis et sa compagne après le décès de leur enfant. Tout à coup, le mari de la sœur de Louis surgit. Louis déborde soudain de colère contre lui et sa sœur qui attend à la porte.  « Tu avais 6 ans pour le rencontrer. Tu n’as rien perdu. J’ai perdu plus que ma vie. » Elle reste dehors, effondrée. Générique. Pas de temps mort. Survient ensuite l'accident qui nous saisit à son tour...

    Le spectateur ne connaîtra jamais vraiment les raisons de cette haine même si des indices sont parsemés et même si quelques flashbacks nous éclairent. L’orgueil blessé ? La jalousie ? Des relations dépassant ceux qui lient normalement un frère et une sœur ? Un amour excessif ? Ou bien une haine tenace mais surtout irrationnelle dont l’un et l’autre ne connaissent même peut-être pas la réelle cause. Il a fait d’elle un personnage de ses livres : « Je ne savais plus comment supporter la honte » dira-t-elle. Une honte telle qu’elle se frappera pour exorciser la douleur. « Je ne pardonnerai jamais à Louis. » Elle n’a pas supporté de ne plus être l’héroïne dans la vie. Son père avait écrit à son sujet : « Tu seras aimée, follement. ». « Cela me plaisait d’être son héroïne. Cela faisait dix ans qu’il n’arrêtait pas d’échouer. Il était dans mon ombre. » Alors un jour, elle lui dira « Je te hais » comme elle lui aurait dit « j’ai froid » ou « je suis là » ou « je suis lasse » . Et, laconiquement, il répondra « D’accord ». Il lui faudra dix ans pour réaliser qu’elle le hait vraiment, ou pour construire cette haine :  « Un jour, la haine avait pris toute la place. », « Je veux que tu ailles en prison. Que tu paies pour ton orgueil. »  Alors, ils se sont haïs. Follement.

    Louis peut être aussi affreusement cruel. Une cruauté qui parsème toujours les films de Desplechin. Une cruauté tranchante. Il l’est avec son père. Avec son neveu avec qui subitement il changera de ton : « Arrête de sourire. Les gentils, c’est tiède. » Melvil Poupaud est comme toujours sur le fil, à fleur de peau, d’une vérité troublante. Marion Cotillard se plonge aussi corps et âme dans son rôle.

    Tous deux sont enfermés dans cette haine au-delà d’eux-mêmes, au bout d’eux-mêmes, au-delà même peut-être de toute rationalité, comme une course folle vers l‘abîme après laquelle le retour en arrière semble impossible. « On ne va pas mourir et te laisser en prison. Tu es enfermée » dira ainsi son père à Alice.

    Dans un couloir de l’hôpital, ébloui par son âpre lumière, Louis qui y est assis ne verra pas tout de suite que la femme qui s’avance vers lui n’est autre qu’Alice. On retrouve quelques instants  le suspense cher aussi à Desplechin, le mélange des genres aussi comme si les deux ennemis d’un western allaient être confrontés l’un à l’autre, enfin (western auquel des chevauchées feront d’ailleurs explicitement référence). Elle avance. Louis ignore le danger de la confrontation qui le menace. Et quand il le réalise, il s’enfuit comme un enfant terrifié et elle s’effondre littéralement. Dans Rois et Reine et Un conte de noël, déjà Desplechin explorait cette haine entre frère et sœur.

    Et puis au milieu de tous ces moment suffocants (la haine étouffante, les scènes à l’hôpital qui saisissent de douleur, les drames successifs, la dépression d’Alice) il y a tous ces éclats de beauté lors desquels la lumière change, se fait plus douce, caressante, consolante. Les scènes, magnifiques, de Louis avec sa femme, qui illuminent le film d’une grâce infinie grâce notamment à la présence solaire de Golshifteh Farahani. Une scène de pardon. Un envol au-dessus des toits et de la réalité.  Un emprunt au fantastique. Ou même à Hitchcock qui rappelle ses célèbres oiseaux quand la grêle agresse Alice comme la neige qui la recouvrira sur la scène du théâtre. Il brouille les repères entre cinéma et réalité. Avant qu’ils ne se rejoignent…

    Et puis il y a a nouveau « Roubaix », cette « lumière ». Celle d'Irina Lubtchansky.  « Vous avez vu ? C’est affreux.  On dirait que le soleil ne va pas se lever» dit ainsi un pharmacien à Alice.  Au sens figuré aussi, le soleil souvent ne se lèvera pas et nimbera les âmes et le film d'une obscurité oppressante et glaçante. Mais lorsqu’il se lève, lorsque la noirceur laisse place à lumière chaude et apaisante, une sorte de poésie réconfortante nous envahit jusqu’au soulagement final, qui irradie de soleil, de chaleur et de vie après cette plongée dans les complexités de l’âme humaine.  « Ici je suis envahie d’histoires. Tu vois, j’ai tout laissé derrière moi. Le théâtre, mon homme, mon fils. Je suis partie. Je me souviens de ce vers que tu m’avais appris. Carte compas par-dessus bord. Je n’ai plus ni carte ni compas. Je suis en vie » écrira alors Alice. Comme un écho au « La vie m’est arrivée » des Fantômes d’Ismaël. Cette fois, on a la sensation que la vie va lui arriver, douce enfin. Et l'on respire avec elle après ce film riche, intense, qui chavire et serre le cœur. Prêts à affronter les vicissitudes torves et terrassantes de l'existence, et à laisser le cinéma et la poésie les réenchanter...une fois de plus.

     Frère et sœur figurait parmi les films de la compétition officielle du Festival de Cannes 2022.

    Arnaud Desplechin présidera le jury du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2022 dont voici l'affiche dévoilée cette semaine.

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  • Bilan du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2021

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    L’ouverture au son des Moulins de mon cœur de Michel Legrand (ré)interprétés au piano par Steve Nieve, à l'image de l'affiche de cette édition, nous invitait à embrasser la vie, à nous étourdir de cinéma, pour nous éloigner de l'âpreté de l'actualité. Les films, toujours un instantané de l'Amérique contemporaine, nous y ramenaient cependant aussi, déconstruisant le rêve américain, explorant le besoin de (re)pères d’êtres désorientés, traquant le mensonge. Le portrait d’une Amérique déboussolée, en quête de vérité, se raccrochant aux liens familiaux souvent dépeints comme instables. Plus que jamais, le cinéma et ce festival se révèlent indispensables. Pour braquer la lumière sur les ombres du monde. Pour essayer de les éclairer. Mais aussi pour s’en évader.

    Stillwaterde Tom McCarthy a ouvert cette foisonnante 47ème édition.
    Stillwater, c'est le nom de la ville d'Oklahoma de Bill Baker (Matt Damon) dont la fille emprisonnée à Marseille est condamnée pour meurtre. Polar, drame social, romance ce film est aussi le parcours initiatique d'un homme pétri de foi, religieuse et en l'innocence de sa fille, qui, d'Américain trumpiste et rustre, va peu à peu s'ouvrir à d'autres horizons. Un remarquable scénario pour une quête poignante et haletante.

    Le festival a également ouvert une nouvelle page avec sa Fenêtre sur le cinéma français. 6 films dont 5 avant-premières mondiales, qui s'ajoutaient à la cinquantaine de films américains sélectionnés. L’occasion de découvrir le dernier Lelouch, L’amour c’est mieux que la vie.  « La vie est le plus grand cinéaste du monde » a coutume de dire ce dernier. En 50 films, il n’a en effet eu de cesse de la célébrer. Celui-ci ne déroge pas à la règle. On retrouve ses « fragments de vérité », ses aphorismes, sa naïveté irrévérencieuse, les hasards et coïncidences et leur beauté parfois cruelle. Et des personnages toujours passionnément vivants dont celui incarné par Sandrine Bonnaire, lumineuse comme elle ne l’a jamais été.  

    C’est sur la musique de Morricone qu’a eu lieu l’hommage sobre à Belmondo le jour de sa disparition, devant une assistance bouleversée. Comment ne pas penser à un autre film de Lelouch, Itinéraire d’un enfant gâté dans lequel Belmondo incarne Sam Lion, un de ses plus beaux rôles ? Une magnifique métaphore du cinéma qui nous conduit croire à l’impossible, y compris le retour des êtres disparus et l'immortalité des héros de notre enfance.

    Comme chaque année, le prix d’Ornano-Valenti était un gage de talent, dévolu au film de Vincent Maël Cardona. Les Magnétiques. Titre qui sied magnifiquement à ce film enfiévré de sons et de musiques qui suinte la fougue, l’énergie, le désir, les certitudes folles, l’urgence ardente, la fragilité, le charme et la déraison de la jeunesse. Un vertige fascinant d’ondes et de lueurs stroboscopiques. Une expérience sensorielle qui vous donne envie d’empoigner et danser la vie, l’avenir et la liberté.

    Dans la section L’heure de la Croisette initiée l’an passé sont regroupés les films du Festival de Cannes projetés à Deauville. L’occasion de découvrir notamment La Fracture de Catherine Corsini, tragicomédie sociale ébouriffante, dans laquelle elle marie avec brio les genres pour faire retentir ce cri d’alerte retentissant à la fois drôle et désespéré sur la fracture et les maux d’une époque. Mais aussi le prix du jury à Cannes, Un héros de Farhadi, histoire kafkaïenne sur les dérives des réseaux sociaux mais aussi sur les affres d’un pays, l’Iran.

    C’est aussi dans ce cadre que fut projeté le documentaire Jane par Charlotte de Charlotte Gainsbourg, présidente du jury 2021. Un dialogue intime mais jamais impudique entre Gainsbourg et Birkin. Fantasque. Empathique. Mais aussi seule et tourmentée. Par les deuils et leurs chagrins inconsolables. Le temps insatiable et carnassier qui altère la beauté et emporte les êtres chers. Un bijou de tendresse et d’émotion portée par une judicieuse BO, de Bach aux interludes électroniques de Sebastian. D’humour aussi grâce au regard décalé, espiègle et clairvoyant que Jane Birkin porte sur elle-même, la vie, les autres, mais aussi celui que sa fille porte sur sa mère. Un documentaire qui, en capturant le présent et sa fragilité, nous donne une envie folle d’étreindre chaque seconde de notre vie.

    Parmi les autres documentaires remarquables, dans la section Docs de l’Oncle Sam, L'État du Texas contre Melissa de Sabrina van Tassel. Melissa est la première femme hispano-américaine condamnée à mort au Texas. Depuis dix longues années, elle attend en prison l'application de l'implacable sentence. Ce documentaire, avec une remarquable rigueur, réalise le travail de défense qui a manqué à l'accusé et met en lumière les failles criantes du système judiciaire américain, véritable machine à broyer les individus. Un plaidoyer contre la peine de mort sur le point de changer le destin qu'il relate.

    Blue bayou de Justin Chon (compétition, prix du public) et Flag day de Sean Penn mettent en lumière la noirceur de destins tragiques, éblouis et terrassés par l'American dream. Le deuxième, se penche sur la relation chaotique d'une fille (Dylan Penn honorée d'un Deauville Talent Award) avec son père John (Sean Penn), escroc et menteur pathologique. La mise en scène et le montage sont à l'image de leur relation : chaotiques, morcelés, poétiques.  Le tout porté par une bo remarquable entre compositions de Joseph Vitarelli, standards rock-folk et Chopin, et une voix off qui instillent l'émotion.

    Parmi les petits bijoux ce la compétition, John and the hole (prix de la révélation) de Pascual Sisto. Un premier long métrage d’une étrangeté fascinante. Des plans étirés et des dialogues sporadiques instillent le malaise accru par l’interprétation du Charlie Shotwell, mutique et inquiétant.

    Cette édition 2021 ne fut pas avare d’évènements avec les « conversations ». Des rencontres avec Michael Shannon (récipiendaire d’un Deauville Talent Award), Johnny Depp, Oliver Stone. Des voix singulières qui clament et revendiquent leur indépendance et leur liberté, ne manquant pas de critiquer Hollywood et les médias.

    La Première évènementielle fut cette année Dune dont le principal mérite de sa projection à Deauville fut de nous permettre de mesurer l’impressionnant son immersif du Centre International de Deauville.

    Cette 47ème édition s’est terminée avec Les choses humaines d’Yvan Attal, prenant de la première à la dernière seconde. La première, c’est Alexandre qui débarque à l’aéroport et qui, plein de sollicitude apparente, aide une femme avec sa valise. La dernière, c’est le visage face caméra de la victime qui l’accuse de viol. Entre les deux, 2h18 captivantes. Parce que les « choses humaines » ne sont ni manichéennes ni simples, l’intérêt du film est de les disséquer dans toute leur complexité et les restituer dans leur ambivalence. Tableau passionnant et nuancé de notre société dans laquelle, là encore, des mondes se côtoient sans se comprendre.

    Selon Truffaut « Le cinéma est un mélange parfait de vérité et de spectacle ». Le Festival du Cinéma Américain de Deauville plus que jamais en 2021 incarnait ce mélange parfait !

     

     

  • Bilan du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2020

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    La célébration du cinéma à Deauville : une fenêtre ouverte sur le monde, sur l’espoir et sur Cannes

    Que serait le 7ème art sans salle de cinéma, projecteur de mystères qui en exalte la puissance évocatrice ? Des rêves bridés. Une fenêtre sur le monde entrebâillée. Une étreinte avec l'imaginaire bâclée. Cette édition, qui nous a permis de retrouver le frisson de la salle dans l’écrin du CID, était à l’image de ce film incontournable dans lequel figure sa Présidente du Jury, Vanessa Paradis, La fille sur le pont de Patrice Leconte. Un entrelacement subtil de gravité et légèreté.

    « Le festival du cinéma américain devient le festival du cinéma tout court » a déclaré le Maire de Deauville lors de l’ouverture. Une édition « humble et généreuse » qui a en effet accueilli dix films du Festival de Cannes et trois du Festival du Film d’Animation d’Annecy. La « fenêtre ouverte sur le monde », pour la première fois depuis 1895, s'était refermée. Alors, le premier soir, c'est non sans émotion qu'elle s'est à nouveau ouverte. L’émotion de Michael Douglas lors de son discours (enregistré) pour l'hommage vibrant à son père Kirk. L’émotion provoquée par les notes d'Ennio Morricone interprétées au piano par Steve Nieve, suscitant les réminiscences de chefs-d’œuvre, eux, grâce à cela, immortels.

    Au programme : secrets, solitudes, et maux (deuil, harcèlement) de personnages condamnés au silence, souvent englués dans des difficultés économiques les conduisant au bord du gouffre. En proie à des questionnements identitaires, aussi. Des films qui font voler les apparences en éclat. À l’image du savamment haletant et féroce The Nest de Sean Durkin (Grand Prix, Prix Roederer, Prix de la critique) qui, empruntant les codes du thriller, dissèque le délitement d’une famille causé par la soif de réussite sociale du père. La musique et la mise en scène, d’une élégante précision, épousent l’angoisse qui s’empare de chacun des membres de la famille, isolés dans leurs problèmes comme dans leur manoir britannique d’inspiration hitchcockienne. Noirceur et nuit s’emparent des âmes et des décors. Jusqu’à ce que le jour se lève et que le nid recueille ses occupants. Un scénario ciselé au service du suspense et d’un dénouement d’une logique à la fois surprenante et implacable.

     

    Un autre film claquemurait ses protagonistes dans une situation inextricable : The Assistant de Kitty Green (Prix de la mise en scène). Au fil d’une journée, cette jeune diplômée engagée comme assistante d’un producteur de cinéma réalise à quel point il abuse de son pouvoir. Comme dans Les Ensorcelés de Minnelli projeté dans le cadre de l'hommage à Kirk Douglas, si le fond est une critique acerbe d’un milieu, la forme est un hommage au cinéma. Par l'utilisation judicieuse de toutes ses ressources. Les bureaux sont une sorte de dédale arachnéen, décor clinique dans les fils duquel elle semble prise et sous emprise, absurde comme dans un film de Tati auquel font penser l’utilisation du son, des silences et des espaces, oppressants. La réalisation apporte toute sa force à cette démonstration sans appel et nous invite, au contraire de l’assistante, abattue, à ne plus fermer les yeux.

    Des films s’achevaient cependant par une lueur d’espoir. Nous laissant avec une image apaisante. La mer, souvent. Un départ salvateur. Une révolte. Comme le retentissant « non » du remarquable Slalom de Charlène Favier (prix d’Ornano-Valenti, label Cannes 2020). La réalisatrice s’est inspirée de sa propre vie pour raconter avec force et délicatesse l’emprise mentale et physique d’un entraîneur sur une jeune sportive (Noée Abita, époustouflante !). Un film percutant et nécessaire.

    Parmi les autres films de la sélection Cannes 2020, Last words de Jonathan Nossiter. Juin 2086. Un homme déclare être le dernier humain sur la Terre qui n’est alors plus qu’un immense désert. Dans ce monde apocalyptique, le cinéma, ultime joie, devient plus « vivant » que la réalité, désormais un champ de ruines dénué de plaisirs et d’émotions, permettant à ceux qui y évoluent de redevenir des hommes dotés d’humanité. « Rêver la beauté du cinéma avant de mourir » y entend-on. De cette fable grinçante résultent la conscience accrue de la menace, imminente, et l’envie de s’abreuver plus que jamais à cette source de joie et de rires, bref d’émotions et de vie : le cinéma !

    Dans Les deux Alfred de Bruno Podalydès (label Cannes 2020), là aussi il est question de déshumanisation d’un monde qui aurait encore pu être inventé par Jacques Tati : les mots (anglicismes, acronymes) et l’uberisation de la société font courir à l’égarement ceux qui s’y débattent. La première scène donne le ton de cette comédie : tendre, mordante, décalée, attachante, aux dialogues admirables. Un film porté par un trio d’acteurs désopilants, Sandrine Kiberlain en tête, qui donne envie de croquer la vie sur un air de Ferrat, et dans lequel la magie du cinéma nous fait croire qu’un slow peut surgir d’une voiture en pleine rue et rapprocher deux êtres en apparence si dissemblables. Une fantaisie réconfortante qui porte un regard à la fois doux et acéré sur les incongruités de notre société.

     

    Même sans Américains et avec un seul hommage (à Barbet Schroeder) cette édition fut foisonnante. Il faudrait encore citer :   

    -Minari de Lee Isaac Chung, qui distille son charme dépourvu de cynisme en nous racontant le rêve américain d'une famille coréenne. Pour que leurs cœurs blessés guérissent, il faudra que tout s'embrase, réellement et symboliquement.

     

    - Resistance de Jonathan Jakubowicz, sur le rôle du Mime Marceau pendant la Résistance qui, à 19 ans, contribua à sauver la vie de centaines d’enfants orphelins juifs.

    -Sons of Philadelphia de Jérémie Guez, histoire de famille dans la mafia de Philadelphie, très influencée par Scorsese et James Gray, portée par un scénario brillamment retors.

    -Kajillionaire de Miranda July, bijou d’inventivité et de burlesque, surprenant de la première à la dernière seconde.

    -ADN de Maïwen : film choral qui oscille entre drame et comédie, sur la quête des origines, à voir pour Fanny Ardant, exceptionnelle en mère toxique et une scène de deuil, âprement drôle, d’une ravageuse clairvoyance.

    Résultat : 38000 spectateurs malgré plus d'un tiers de sièges en moins ! Une esquisse de respiration pour le cinéma, en miroir de celle mise en scène par les films en compétition. Comme dans La fille sur le pont, encore :  
    « Peut-être qu’on a rêvé[...]et que c’était pas si mal
     » pouvait-on se dire au dénouement de ce festival.  Alors si « L'art dérange comme les films de cette année » comme nous l’avait annoncé le Directeur du Festival Bruno Barde, il demeure aussi un générateur de rêves. Plus que jamais indispensable !