Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

deauville - Page 2

  • Festival du Cinéma Américain de Deauville 2023 - Critique de THE NEST de Sean Durkin (hommage à Jude Law)

    the nest2.jpg

    The Nest était projeté aujourd'hui dans le cadre de l'hommage à Jude Law. L'occasion de revoir ce film qui avait obtenu le Grand Prix 2020 et de vous le recommander de nouveau.

    Dans les années 1980, Rory (Jude Law), un ancien courtier devenu un ambitieux entrepreneur, convainc Allison (Carrie Coon), son épouse américaine, et leurs deux enfants, de quitter le confort d’une banlieue cossue des États-Unis pour s’installer en Angleterre, son pays de naissance. Persuadé d’y faire fortune, Rory loue un vieux manoir en pleine campagne où sa femme pourra continuer à monter et à donner des cours d’équitation. Mais l’espoir d’un lucratif nouveau départ s’évanouit rapidement et l’isolement fissure peu à peu l’équilibre familial.

    Vanessa Paradis, la présidente du jury du 46ème Festival du Cinéma Américain de Deauville, dans le cadre duquel The Nest avait été projeté en compétition, a évoqué « un thriller oppressant, une fable sur le délitement d'une famille portée par une élégance de sa mise en scène et deux acteurs d'exception ».

    Ce deuxième film de Sean Durkin, qui avait remporté en 2011 le prix du meilleur réalisateur au Festival de Sundance pour Martha Marcy May Marlene, a en effet récolté pas moins de trois récompenses au Festival du Cinéma Américain de Deauville 2020 : Grand prix, Prix de la Révélation et Prix de la Critique Internationale.

    Tout est en ordre dans cette famille et dans le nid (signification de The Nest) au sein duquel elle vit. Du moins, en apparence : tout est en ordre. Les voitures sont bien rangées devant le cossu pavillon. Rory reçoit un coup de fil dont on n’entend pas le contenu. Tout juste le voit-on avoir une conversation téléphonique qui semble le réjouir, derrière une fenêtre de la maison. Premier élément qui instille mystère et suspicion quant à l’apparente sérénité qui semble régner. Chacun des membres de la famille a une vie bien orchestrée, en équilibre comme la gymnastique que pratique la fille d’Allison. La musique laisse deviner un bonheur tranquille, une vie sans aspérités. Chaque matin, Rory apporte le café à sa femme. Et puis un jour il lui annonce « on devrait déménager » et lui présente cela comme une opportunité. « Tu devrais avoir ta propre écurie » lui dit-il, comme s’il s’agissait de lui demander son avis et de la convaincre. De simples détails dont le spectateur se souviendra ensuite laissent pourtant déjà présager ce qui deviendra le centre de leurs préoccupations : l’argent (elle réclame l’argent de ses leçons d’équitation) et les remarques pernicieuses de Rory (Rory fait comprendre que s’ils sont venus dans ce coin des Etats-Unis, c’est pour se rapprocher de la famille d’Allison).

    Malgré les réticences d’Alison, ils partent pour l’Angleterre où ils emménagent dans un nouveau nid. Un manoir isolé aussi gigantesque qu’inhospitalier et lugubre choisi par Rory seul et dans lequel il n’aurait certainement pas déplu à Hitchcock de placer l’intrigue d’un de ses films. Rory fanfaronne en évoquant le « parquet posé dans les années 1700 », les «membres de Let Zeppelin qui ont vécu ici en enregistrant un album » ou encore en offrant un manteau de fourrure avec grandiloquence et une once de grossièreté à Allison. Son patron lui dit en plaisantant : « ton bureau c’est pour apaiser ton ego fragile. » Cet ego est bel et bien ce qui domine ce personnage dont la propension au mensonge pour satisfaire son orgueil est la principale caractéristique. A son épouse, il dit « j’ai hâte de te montrer à tout le monde » comme un objet qu’il exhiberait tout comme il évoquera les 5000 dollars que lui coûte le « cheval défectueux » de sa femme le rabaissant là aussi à un état d’objet. Il paie le restaurant pour ses collègues. Ment en parlant de leur « penthouse à New York » alors qu’ils ne possèdent rien. Et Allison découvre que ce départ n’était pas la conséquence d’une opportunité mais d'une démarche de Rory.

    Derrière ce bonheur de façade, tout semble pouvoir exploser d’un instant à l’autre, et le nid pouvoir se fissurer.  Une scène de dîner au restaurant entre les deux époux témoigne d’ailleurs de la fragilité de leur bonheur mais aussi du caractère d’Alisson, la force de ce personnage étant aussi un des atouts de ce film, ne la cantonnant pas au rôle d’épouse complaisante et fragile. Une scène jubilatoire que je vous laisse découvrir.

    Peu à peu, le vernis se craquèle. On découvre que Rory a une mère qui vit en Angleterre et  qu’il n’a pas vue depuis des années, et dont il n’a vraisemblablement pas parlé à sa femme, et auprès de laquelle il se vante d’avoir épousé « une sublime blonde américaine. »  Les signes extérieurs de richesse sont primordiaux pour Rory en ces années 1980 où l’argent est roi. Tout se mesure en argent pour lui. Une revanche sur son « enfance merdique » comme il la qualifiera. Une revanche qu’il estime mériter, quoiqu’il en coûte à sa famille (au propre comme au figuré). Peu à peu leur monde se délite. Leur fille se met à fumer en cachette, à avoir de mauvaises fréquentations, à se rebeller. Leur fils subit du harcèlement à l’école et est terrifié à l’idée de traverser le manoir. Et même Allison semble croire que des ombres fantomatiques se faufilent dans le décor.  Et le cheval, l’élément d’équilibre de la famille, semble lui aussi perdu, malade, et courir vers une mort qui semble annoncer celle de toute la famille.

    La grande richesse de ce film provient de la parfaite caractérisation de ses deux personnages principaux et de leurs deux enfants, de leurs fragilités qui s’additionnent et semblent les mener vers une chute irréversible. L’obsession de réussite de Rory lui fait occulter tout le reste. Et tout n’est plus qu’une question d’argent, même sa relation avec Allison à qui il rappelle qu’il l’a sortie de la situation dans laquelle elle se trouvait avec sa fille avant de le rencontrer.

    Derrière le personnage imbuvable, pétri d’orgueil et de suffisance, aveuglé par son ambition, se dessine peu à peu le portrait d’un être brisé par son enfance. Le scénario est émaillé d’indices qui, comme ceux d’une enquête, nous permettent de constituer peu à peu le portrait et les causes de sa personnalité. Les dialogues souvent cinglants donnent lieu à des scènes d’anthologie et le basculement semble à chaque instant possible.

    Le dénouement signe l’explosion finale (et l’implosion finale, celle de la famille), inévitables. Chacun des occupants du nid franchit le seuil de sa folie avant de basculer irrémédiablement ou, qui sait, de retrouver le cocon rassurant et protecteur,  là où il n’est plus permis de jouer, de faire semblant.  D’ailleurs, pour rentrer, Rory se fraie un chemin au milieu des feuilles comme pour venir se réfugier auprès des siens et assister à la morale de la fable.

    Sean Durkin pose finalement un regard compatissant sur l’enfant capricieux et en mal de reconnaissance qu’est Rory jusqu’à faire tomber le masque. Face à lui, son épouse n’est pas la victime de ses actes mais bataille pour maintenir à flot le nid familial.  Carrie Coon et Jude Law par l’intensité et les nuances de leur jeu apportent la complexité nécessaire à ces deux grands enfants perdus que sont Allison et Rory.

    La musique, de plus en plus inquiétante, et la mise en scène, d’une élégante précision, épousent brillamment l’angoisse qui progressivement, s’empare de chacun des membres de la famille, se retrouvant bientôt tous isolés, dans le fond comme dans la forme, dans le manoir comme dans les problèmes qu’ils affrontent. La noirceur et la nuit s’emparent des âmes et des décors. Jusqu’à ce que, qui sait, la clarté et le jour ne se lèvent et le nid ne réconforte et recueille ses occupants.  Un scénario ciselé, une mise en scène élégante, des personnages brillamment dessinés au service d’un suspense haletant et d’un dénouement d’une logique à la fois surprenante et implacable.

     

  • Festival du Cinéma Américain de Deauville 2023 – Conversation avec Luc Besson et critique de DogMan de Luc Besson (Première)

    cinéma,deauville,festival du cinéma américain

    L’évènement du jour à Deauville fut la master class de Luc Besson après la projection de DogMan hier soir (dans le cadre des « Premières » du festival), qui a enthousiasmé et ému les festivaliers. DogMan, fiklm écrit, réalisé et produit par Luc Besson a été présenté en avant-première au Festival de Deauville, et a aussi été sélectionné en compétition au Festival de Venise.

    cinéma,deauville,festival du cinéma américain

    Le film débute par les images d’un travesti déguisé en Marilyn Monroe. Hagard. Et ensanglanté.

    C’est en lisant un article sur une famille qui avait jeté son enfant de 5 ans dans une cage que Luc Besson a eu l'idée de ce film si singulier. Selon le pitch officiel, DogMan raconte « l’incroyable histoire d’un enfant, meurtri par la vie, qui trouvera son salut grâce à l’amour que lui portent ses chiens ». Seul l’amour des chiens sauve en effet ce jeune homme traumatisé par les effroyables maltraitances subies dans son enfance. Son « gang » animalier qui aide les victimes de la violence humaine. Tel un Robin des bois, avec leur aide, il vole les riches propriétaires…

    À la suite d’un règlement de comptes qui termine tragiquement, il est arrêté par la police puis interrogé par une psychiatre bienveillante (dont les failles font écho aux siennes). Les flashbacks nous racontent alors sa tragique et romanesque histoire...

     C’est plus que « l’histoire incroyable d’un enfant meurtri ». C’est un conte funèbre. La construction d’un (anti)héros mémorable tels Léon et Nikita.  

    Caleb Landry Jones, prix d’interprétation masculine à Cannes en 2021 pour son rôle dans Nitram, incarne ici un DogMan tantôt attachant, tantôt effrayant, et livre une performance absolument sidérante qui nous embarque avec lui dans ce film hybride entre fable sombre, film social, série B, thriller, avec comme toujours chez Besson l’influence prégnante de la BD et une esthétisation de la violence même si le  hors-champs est judicieusement utilisé dans les scènes les plus « carnassières », de même que le son et le montage, remarquables. 
    « Au bout de 2 jours, j'étais au spectacle. C'est un bonheur d'avoir la chance de travailler avec un acteur de ce calibre. La dernière fois que j'ai vu ça, c'est Gary Oldman » a déclaré Luc Besson à propos de Caleb Landry Jones lors de la conversation avec le public cet après-midi.

    Bien sûr, ce n’est pas un cinéma de la demi-mesure et de la nuance que nous propose Luc Besson. Mais ce n’est pas là non plus que nous l’attendions. Tout est excessif et emphatique : les malheurs du héros, la musique (d’Éric Serra), l’interprétation, les dialogues. Malgré tout, se dégagent de cette histoire une humanité poignante et une poésie sombre qui finissent par nous emporter, a fortiori si vous aimez les animaux et savez la force que vous pouvez puiser dans leur compagnie.

    Un dénouement christique un peu trop surligné (too much diront certains) mais qui a le mérite d’aller au bout de son idée et de susciter l’émotion tout comme cette scène sur la musique de Piaf renversante d’émotions et qui, à elle seule, justifie de voir ce film sur l'art salvateur, à la construction en puzzle qui maintient le suspense jusqu'à la dernière seconde et qui a fait se lever la salle du CID.

    EXTRAITS DE LA MASTER CLASS (Conversation avec Luc Besson animée par Stéphane Charbit)

    « Créer, c’est se découvrir, c’est s’exposer, c’est se fragiliser. » Luc Besson

    « Chaque metteur en scène est fragilisé à cette période.  A l’époque du Grand Bleu, on m’a dit 10 millions d’entrées, c’est formidable. Alors j’ai dit, pourquoi les 50 millions ils n’ont pas envie de le voir ? Je pense qu’on est très démuni. On prépare en cuisine. On met un beau papier avec un ruban et on espère que ça va plaire. Le film vous appartient maintenant donc prenez soin de lui. »

    « Je pense que c’est un rapport d’émotions. Le cinéma c’est le septième art, c’est le dernier, c’est le plus jeune, c’est le résumé des autres. Il y a un peu d’architecture. Il y a un peu de danse. C’est un art préparatoire. Il n’est pas mineur. Il est préparatoire. Il prépare aux autres. Faire écouter de la musique classique à 14 ans, oubliez. Mais avec le cinéma, on y arrive. »

    « Ce n’est pas une impulsion, c’est une nourriture Dans l’art, tout est faux et pourtant on cherche une vérité. Normalement, dans la vie dans la politique tout est supposé être vrai mais on s’aperçoit qu’ils mentent tout le temps donc c’est assez paradoxal. Aller chercher dans quelque chose. Tout le monde sait que quand vous faites une déclaration d’amour il y n’y a pas 50 violons derrière. On le sait mais ça fait du bien. Et si ça peut nous rendre meilleur et si ça peut nous aider. Ce qui est amusant c’est que ce n ‘est pas sa mission de départ. Nous éveiller. Nous emporter. Embellir un peu la vie. »

    A propos de la musique de film :

    « Grâce à un ami de mes parents qui m’a fait découvrir Miles Davis. J’avais 14 ans. C’est le premier qui m’a montré l’architecture de la musique. La batterie avec la basse. Comment ça se répondait. Je n’avais jamais abordé la musique sous un aspect d’architecture. D’un seul coup, je me suis dit que c’était incroyable.  C’est par ce biais de l’architecture musicale que j’ai remonté la filière de Miles Davis…J’avais cette culture-là. Ce qui était un peu compliqué avec mes copains de l’époque. Comme mon beau-père n’avait pas d’électrophone chez lui. Je ne pouvais pas écouter mes disques chez lui. J’essayais d’emmener mes disques en boum. Je mettais Weather Report. Cette culture-là. Eric a cette base-là. Cette base de jazz. On se comprend tout de suite. La musique est le deuxième dialogue dans mes films. Il y a un sentiment qui est en train de naitre chez l’acteur. Il y a deux solutions. L’acteur qui dit ce que tu me dis cela me fait mal. Et puis la musique peut dire la même chose. Mais on ne peut pas dire deux fois la même chose. Il ne faut pas paraphraser. Si le jeune homme ou la jeune femme dit « je vous aime », il ne faut pas forcément balancer les violons. Généralement, je monte en musique de référence, sur d’autres films ou d’autres morceaux. Trente secondes d’un morceau et on prend un autre morceau. Cela guide beaucoup Éric. Cela le guide en termes de tempo. Il peut suivre après. Si on lui met du Mozart après cela peut être compliqué. Donc on essaie aussi de ne pas mettre des trucs trop beaux.  Je suis incapable d’écrire sans musique. N’importe où. Ce qui est très rigolo, quand je pars sur un script, j’écoute un album pendant parfois trois mois en boucle. J’ai compris pourquoi après. Quand tous les matins, on remet cet album cela vous remet dans le même tempo et dans le même mood que là où vous avez quitté le script la veille.  C’est presque un moyen mémo-technique de revenir à l’endroit où on était. Donc j’écoute tout l’album. Pour DogMan, c’est un album de Billie Eilish."

    « DogMan catalyse les souffrances de tout le monde. Il est là pour aider. L'art qui sauve est le thème du film. »

    « L'envie primaire de désir de cinéma, c'est simplement d'exister. »

    Il a déploré « l’appauvrissement du cinéma dans sa globalité. »

    « J’ai pris une claque en revoyant Le Guépard. C'est de l'orfèvrerie, il n'y a plus d'orfèvrerie. C'est monstrueux, ce film. L'équivalent en architecture des pyramides. »

    « La force du cinéma, plus que les films, c'est les personnages qui font partie de notre vie. »

    « J'ai toujours été intéressé par montrer les faiblesses de l'homme et les forces de la femme. »

    « J’ai construit le plan de travail de DogMan en fonction des émotions que le personnage traverse dans l'histoire »

    « De Niro est un des piliers du cinéma capable de tout faire de tout jouer. »

     

  • Programme complet du 49ème Festival du Cinéma Américain de Deauville

    Rendez-vous sur Inthemoodforcinema.com en cliquant ici pour lire mon article détaillant le programme de ce Festival du Cinéma Américain de Deauville 2023 en direct duquel je vous donne rendez-vous dès l'ouverture ce 1er septembre.

    Deauville programme 2023.jpg

  • 49ème Festival du Cinéma Américain de Deauville - Membres des deux jurys et films en compétition

    Les membres du jury

    jury festival du cinéma américain de deauville 2023.jpg

    Guillaume Canet sera entouré de :

    Anne Berest (romancière, scénariste & comédienne)
    Stéphane Bak (comédien)
    Laure de Clermont-Tonnerre (réalisatrice & scénariste)
    Alexandre Aja (réalisateur, scénariste & producteur)
    Marina Hands de la Comédie-Française (comédienne)
    Rebecca Marder (comédienne)
    Yodelice (auteur-compositeur-interprète, musicien, producteur & comédien)
     Léa Mysius (réalisatrice & scénariste)

    Les membres du jury révélation

    jury révélation Festival du Cinéma Américain de Deauville 2023.jpg

    Mélanie Thierry sera entouré : 

    Félix Lefebvre (comédien)
    Pablo Pauly (comédien)
    Julia Faure (comédienne)
    Ramata-Toulaye Sy (réalisatrice & scénariste)

    Les films en compétition

    ARISTOTE ET DANTE DÉCOUVRENT LES SECRETS DE L'UNIVERS d’Aitch Alberto 
    BLOOD FOR DUST de Rod Blackhurst 
    COLD COPY de Roxine Helberg 
    FREMONT de Babak Jalali 
    I.S.S. de Gabriela Cowperthwaite 
    LA VIE SELON ANN de Joanna Arnow 
    LAROY de Shane Atkinson 
    MANODROME de John Trengove 
    PAST LIVES, NOS VIES D‘AVANT de Celine Song
    RUNNER de Marian Mathias 
    SUMMER SOLSTICE de Noah Schamus 
    THE GRADUATES de Hannah Peterson 
    THE SWEET EAST de Sean Price Williams 
    WAYWARD de Jacquelyn Frohlich

     

  • L'hommage du 49ème Festival du Cinéma Américain de Deauville à Jerry Schatzberg : projection du documentaire de Pierre Filmon

    2018344494 (1).jpg

    L'annonce de cet hommage est une excellente nouvelle, d'une part parce que cela signifie que le Festival du Cinéma Américain de Deauville renoue avec ce qui a constitué son essence, d'autre part parce que cela permettra aux festivaliers de découvrir le formidable documentaire de Pierre Filmon consacré à Jerry Schatzberg projeté à l'occasion de l'hommage à ce dernier, en sa présence.

    1154421925.jpg

    3646645289.jpg

    Pour ses dix ans, le cinéma Le Silencio des Prés (22 rue Guillaume Apollinaire, 75006, Paris), sous la houlette de Sam Bobino (notamment cofondateur du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule, et fondateur des Paris Film Critics Awards) et de Geoffrey Gervais, propose une programmation exceptionnelle d’avant-premières (le plus souvent accompagnées de débats des protagonistes) parmi lesquelles, en novembre dernier, celle du documentaire de Pierre Filmon : Jerry Schatzberg, portrait paysage, suivie d’une passionnante rencontre entre Pierre Filmon et Michel Ciment. C'est à cette occasion que j'avais découvert ce film dont je vous parle à nouveau aujourd'hui et que vous pourrez découvrir dans le cadre du prochain Festival du Cinéma Américain de Deauville.

    Je vous avais déjà parlé de Pierre Filmon, l’an passé, à l’occasion de la sortie de Entre deux trains (Long Time No See), son deuxième long-métrage et son premier long-métrage de fiction pour lequel j’avais eu un énorme coup de cœur. Je vous le recommande à nouveau vivement. Il est désormais disponible en DVD chez Tamasa éditions. Il a d’ailleurs reçu de nombreux prix dans le monde. Il a ainsi parcouru 35 festivals internationaux et 17 pays. Pierre Rochefort a obtenu le prix du meilleur acteur en Espagne. Au Chili, le film a obtenu le prix du Best fiction film. En Inde, au Rajasthan IFF, Pierre Filmon a obtenu deux prix : honorary Award et best directeur. Au Kosovo, le film a obtenu le prix du meilleur film… Et si cela ne suffisait pas pour vous convaincre de le découvrir, vous trouverez ma critique ci-dessous.

    Pierre Filmon a réalisé plusieurs courts-métrages et son premier long-métrage, Close encounters with Vilmos Zsigmond, était en Sélection officielle au Festival de Cannes 2016 dans le cadre de Cannes Classics. Ce documentaire est consacré à Vilmos Zsigmond, formidable directeur de la photographie qui a travaillé avec les plus grands réalisateurs : Robert Altman, John Boorman, Steven Spielberg, Brian de Palma, Peter Fonda et… Jerry Schatzberg.

    C’est justement à ce dernier que Pierre Filmon a donc consacré ce dernier documentaire : Jerry Schatzberg, portrait paysage, qui se focalise sur « l’univers photographique de Jerry Schatzberg, jeune homme de 95 ans, le dernier des Mohicans du Nouvel Hollywood, photographe et cinéaste qui a réalisé des films avec Al Pacino, Gene Hackman, Meryl Streep, Faye Dunaway et Morgan Freeman et a obtenu une Palme d’Or en 1973 pour L’épouvantail». Le film a été présenté en Première Mondiale à la 79ème Mostra, en septembre dernier.

    Entre deux trains transpirait déjà la passion du cinéma, avec de nombreuses influences, d’Agnès Varda à David Lean. Et c’est cette même passion de l’art du passionné Pierre Filmon que l’on retrouve dans ce documentaire qui s’intéresse au travaille de photographe de Jerry Schatzberg. Même si vous ne connaissiez pas son travail, vous aviez forcément vu une de ses plus célèbres photos, celle, sublimissime, de Faye Dunaway, auréolée de noir, qui avait été mise à l’honneur sur l’affiche du Festival de Cannes 2011, modèle de grâce, d’épure, de sobriété, de sophistication, de mystère, de classe, de glamour, et même pourvue d’une certaine langueur… Cette photo avait été prise par Jerry Schatzberg en 1970.

    Le documentaire de Pierre Filmon qui est le plus beau des hommages au travail remarquable et fascinant de Jerry Schatzberg est un dialogue de ce dernier avec le critique Michel Ciment au gré d’une exposition lors de laquelle il croise des portraits (dont, d’ailleurs, le sien), l’occasion de revenir sur ces fabuleuses rencontres qui ont donné lieu à ces photos singulières et marquantes. Ce plan-séquence permet de découvrir la richesse, la profondeur, la diversité du travail de l’artiste né dans le Bronx en 1927 (un an avec Kubrick au même endroit !) découvert par Pierre Ricient qui s’est battu pour que son premier film sorte en France. Rien ne prédestinait à la photographie et au cinéma celui qui travailla d’abord comme fourreur, comme son père, (ce qu’il détesta) avant de commencer comme assistant photographe pour le New York Times jusqu’ à devenir ce photographe immensément talentueux qui parvient toujours à capter quelque chose de la vérité des êtres (que ce soit de la toute jeune Catherine Deneuve, Aretha Franklin ou un enfant inconnu ou même des photos de nus) même dans des photos plus sophistiquées.

    Michel Ciment a rappelé quel découvreur de talents il a aussi été, ayant notamment à son actif les découvertes d’Al Pacino ou Guillaume Canet qu’il avait fait tourner dès 2001 dans The day the ponies come back. « Ce qui le caractérisé, c'est de faire du mouvement, du presque cinéma dans un décor naturel réaliste» a expliqué hier Michel Ciment. Ce fut «le contraire pour Bob Dylan»  avec des photos en studio dans lesquelles Schatzberg a « capté sa sensibilité, son intelligence et son charisme » a souligné Michel Ciment. Par ailleurs, pour ce dernier, « pas un seul metteur en scène américain n’a fait à la suite trois films aussi extraordinaires ».

    Ce travail en petite équipe, 4 personnes avec Olivier Chambon qui avait déjà été le filmeur de la séquence sur Jerry Schatzberg dans le film de Pierre Filmon sur Vilmos Zsigmond, procure tout son caractère intimiste, sincère et naturel à ce documentaire.

    Michel Ciment a conclu en disant que « le rapport émotionnel avec le sujet est très important » et que Jerry Schatzberg est un « esthète, grand metteur en scène formel mais qui s'intéresse aussi aux émotions, aux rapports humains comme c'est le cas de tous les grands metteurs en scène. Le public vient au cinéma pour ressentir des émotions. C'est ce travail formel qui lui permet d’accéder aux émotions. » C’est sans aucun doute aussi le cas du cinéma de Pierre Filmon qui cherche toujours à saisir l’émotion, par la fiction ou le documentaire.

    Il se pourrait qu’il y ait une suite. Espérons-le tant ce documentaire nous donne envie d’en savoir plus sur Jerry Schatzberg mais aussi de retrouver le regard aiguisé, passionné et enthousiaste de Pierre Filmon sur celui-ci et sur le cinéma en général.

    Critique de ENTRE DEUX TRAINS de Pierre Filmon

    1426756458.jpg

    Un mardi soir aux airs de « chanson d'automne » lors duquel pour paraphraser celle de Verlaine, des « sanglots longs des violons blessent mon cœur d’une langueur monotone », direction l'indéfectible abri de la réalité (le mien, en tout cas) : le cinéma ! En l'occurrence, Le Cinéma Le Grand Action. Cela tombe bien : le film que je souhaitais y voir, le premier long métrage de fiction de Pierre Filmon (réalisateur de quatre courts métrages et d’un long métrage documentaire en sélection officielle au 69ème Festival de Cannes Close Encounters with Vilmos Zsigmond), est une douce parenthèse qui nous rappelle justement que le réel aussi peut contenir ses évasions poétiques, une parenthèse ouverte et close par les rails de la voie ferrée qui défilent et nous emmènent avec eux, témoins indiscrets de la rencontre entre Marion (Laëtitia Eïdo) et Grégoire (Pierre Rochefort) qui se croisent par hasard sur le quai de la Gare d'Austerlitz. Entre deux trains… 

    Neuf ans plus tôt, ils ont vécu une brève histoire d’amour. Il arrive à Paris, de retour d’Orléans où, violoniste, il était en concert. Elle doit en repartir 80 minutes plus tard. Il feint de ne pas la reconnaître ou ne la reconnaît vraiment pas, incrédule face à la matérialisation du rêve (revoir Marion) en réalité. 

    Il y a presque trois films en un. Celui qui se déroule sous nos yeux. Le passé que nous apprenons par bribes par leurs échanges. Et ce que nous devinons de leurs réalité, vérité, avenir : notre propre film.

    Entièrement filmé en plans séquences en cinq jours, ce film est loin d'être seulement une prouesse technique. C'est une ode aux possibles de l'existence. À la magie de ses hasards. De ces interstices presque irréels volés au prosaïsme du quotidien qui soudain éclairent le présent comme ce rayon de soleil qui balaie et illumine le visage de Marion. Une ode aux rêves (qui ont aidé Grégoire à vivre) et à l'imaginaire (celui du spectateur qui se fait son propre cinéma).

    Et puis, un film qui nous dit que « aimer, c'est voir l'enfant en l'autre », qui cite Prévert et Les Enfants du paradis (« Paris est tout petit pour ceux qui s’aiment d’un aussi grand amour »), qui fait notamment résonner Schubert et Beethoven (la musique originale est de David Hadjadj), qui nous rappelle Agnès Varda (Cléo de 5 à 7) et David Lean (Brève rencontre), pour tout cela, déjà, vaut la peine qu'on aille à sa rencontre. De ces films qui, comme ce à quoi aspirait Claude Sautet (oui, je cite encore Claude Sautet…), vous font « aimer la vie », encore plus, vous dire que même des jours monotones peuvent surgir des éclats inattendus de bonheur ou des airs de violon mais qui, ceux-là, ne blessent pas mais au contraire apaisent et entraînent dans un tourbillon de joie. Entre deux trains m’a fait penser à ces films de mon panthéon cinématographique où la rencontre de quelques heures illumine une vie que ce soit à Paris et Casablanca (dans le film éponyme de Michael Curtiz, « nous aurons toujours Paris ») ou Tokyo dans Lost in translation de Sofia Coppola. 

    Le court laps de temps imparti à Marion et Grégoire intensifie les émotions, les exacerbe et sublime. Alors, partez avec Marion et Grégoire pour cette déambulation mélancolique et réjouissante, du Jardin des Plantes (ses squelettes du Muséum d’Histoire naturelle qui nous rappellent qu'il faut déguster chaque seconde et que ce moment qu'ils partagent est de la vie pure et précieuse) au café Maure de la Grande Mosquée de Paris.

    Laëtitia Eïdo et Pierre Rochefort transmettent au film leur justesse, grâce et élégance intemporelles. Et réciproquement ! La déambulation poétique de ces deux cœurs égarés n’est ainsi jamais cynique, jamais mièvre non plus. Simplement juste. Ronald Guttman interprète avec talent un beau-père imbuvable à souhait dont chaque réplique est savoureusement insupportable. Estéban fait une apparition remarquée. 

    Une variation sur les hasards et coïncidences et les possibles de l’existence, empreinte de la beauté cinglante de la nostalgie. Un petit bijou fragile et délicat, aérien et profond dont vous sortirez avec l’envie de savourer chaque précieuse seconde, et de croire, plus que jamais, comme l’écrivait Victor Hugo qu’« il y a le possible, cette fenêtre du rêve, ouverte sur le réel ».

  • Kyle Eastwood au 49ème Festival du Cinéma Américain de Deauville

    Kyle Eastwood au Festival du Cinéma Américain de Deauville.jpg

    Après avoir été l'invité d'honneur du 9ème Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule (dont vous pouvez lire mon compte-rendu ici) à l'occasion duquel il a donné un concert, Kyle Eastwood sera donc au 49ème Festival du Cinéma Américain de Deauville. A l'occasion de la sortie le jour même de son nouvel album dédié aux musiques des plus grands films de son père, il sera invité à participer à la cérémonie d'ouverture du festival le 1er septembre. Dans le cadre de ce Festival, et en association avec ARTE et la Ville de Deauville, une projection en avant première du documentaire Eastwood Symphonic : une affaire de famille est organisée le 5 septembre. Elle aura lieu en présence de l'artiste et dans le cadre sublime du lieu culturel Les Franciscaines. Ce documentaire s'articule autour d'une captation live à l'auditorium de Lyon, dont chaque titre est entrecoupé d'extraits d'une interview exclusive de Kyle & Clint Eastwood. Tournée en septembre dernier, cette interview inédite nous invite à découvrir le lien musical extraordinaire qui unit cette famille de légende. Ce documentaire, produit par Séquence, [PIAS] France et V.O. Music, sera diffusé sur ARTE le 22 septembre 2023.

    Le projet Eastwood Symphonic est avant tout le témoin d’une transmission entre un fils, Kyle Eastwood, et son père, Clint Eastwood. Si Kyle a joué, jeune, dans quelques films de son père, c’est surtout la passion de la musique qui les unis et les transcende. Si chère à Clint, aujourd’hui quotidien de Kyle, c’est elle qui a tissé leur relation au travers des années. Kyle Eastwood, contrebassiste, leader d’un brillant quintet mais également compositeur pour le cinéma, avait déjà eu l’occasion, dans son album Cinematic (2019), de reprendre, avec son jazzband des thèmes composés pour le grand écran. Cette fois-ci, pour embrasser pleinement les musiques qui ont peuplé le cinéma de son père, il a choisi de plonger son quintet historique au sein d’un orchestre symphonique. C’est à Prague que l’ensemble jazz a rejoint l’Orchestre National de République Tchèque (CNSO), sous la houlette du chef d’orchestre déjà lauréat d’un Grammy : Gast Waltzing. L’album Eastwood Symphonic sortira le 1er septembre 2023, en CD et double vinyle. Un livre contenant un vinyle 10 pouces exclusif est également édité à un nombre d'exemplaires limité pour le monde.