Ce que j'aime par-dessus tout dans ce Festival du Film Asiatique, c'est ce voyage, ce dépaysement auxquels nous convient les films (en particulier de la compétition) et comme tout voyage digne de ce nom, le périple est toujours instructif et enrichissant, en particulier quand il s'agit de découvrir un film du Tadjikistan, un premier film en compétition intitulé "True noon", signé Nosir Saidov, et pour moi la première projection de ce Festival du Film Asiatique de Deauville 2010. Nosir Saidov y met en scène deux villages séparés par un petit ruisseau. Nilufar, une jeune fille du village situé en aval, va épouser un homme du village en amont. Mais un jour des soldats arrivent et séparent arbitrairement les villages par des barbelés. La vie des habitants autrefois si paisible va sombrer peu à peu dans le chaos. Si le film se situe dans le contexte du conflit entre l'Ouzbekistan et le Tadjikistan qui perdure depuis la fin de l'Union Soviétique, l'intrigue pourrait se dérouler n'importe où, dans n'importe quel pays où le quotidien des habitants est décidé par des bureaucraties et des conflits qui les dépassent. L'histoire de ce petit lopin de terre est donc finalement universelle et ces barbelés derrière lesquels Nosir Saidov filme les visages des deux futurs mariés une triste répètition de l'histoire contemporaine. Du fond comme de la forme émane une certaine candeur mais aussi beaucoup de pudeur, de force. Certes la musique souligne un peu trop fortement les mains qui glissent paradoxalement languissamment sur les barbelés mais Nosir Saidov fait passer son message de révolte contre l'absurdité de cette guerre, de la guerre, avec une force tranquille convaincante.
Deuxième film en compétition de la journée avec le japonais "Symbol" de Matsumoto Hitoshi (comique japonais très connu dans son pays). L'histoire d'un Japonais qui se réveille un beau jour, dans une pièce immaculée de blanc, sans fenêtres, ni portes. Et si là aussi il est question d'enfermement et de frontière infranchissable, la comparaison s'arrêtera là avec le film précèdent. "Symbol" est un film inclassable qui d'abord intrigue agréablement avec ses couleurs flamboyantes et son univers décalé. Hitoshi nous tient en haleine avec nos questions insolubles jusqu'au final en forme de feu d'artifice qui ne répondra pas forcément à toutes nos questions (et en suscitera même davantage) mais nous en met plein la vue (certes pour pas grand chose...) Etrange, loufoque, expérimental, attachant, intriguant, agaçant, entre comédie déjantée et film d'apprentissage conceptuel... ce film-exéprience (dont nous sommes les victimes cobayes?) a au moins le mérite de ne ressembler à aucun autre! Bonne route entre les 4 murs de la quatrième dimension qui vous conduira jusqu'à Dieu (rien que ça) après vous avoir fait revenir aux origines de l'Homme et même au singe (en "symboles" parfois un peu vains et surtout vaniteux)... si vous avez la curiosité d'aller jusqu'au bout et de participer à la psychanalyse du réalisateur.
La journée s'est achevée par un hommage au cinéaste chinois Lou Ye par le joyeux Pascal Bonitzer (président du jury 2010) suivi de la projection de "Nuit d'ivresse printanière". L'ayant déjà vu à Cannes, ma soirée s'achève par un repas chez l'impayable et incontournable Miocque qui, avec la discrétion qui le caractérise n'a pas manqué de se faire prendre en photo avec Elie Chouraqui (membre du jury).