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PREMIERES (Festival du Cinéma Américain ) - Page 3

  • Critique de HISTOIRE DE L'AMOUR de Radu Mihaileanu

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    Je termine, à dessein, par  l’histoire d’amour de cette 42ème édition, réalisée par un des membres du jury du festival, Radu Mihaileanu, un film immodestement appelé « L’Histoire de l’Amour » New York, de nos jours, Léo, un vieux juif polonais immigré, espiègle et drôle, vit dans le souvenir de « la femme la plus aimée au monde », le grand amour de sa vie. A l’autre bout de la ville, Alma, dans la fougue d’une adolescence pleine de passion, découvre l’amour pour la première fois. Rien ne semble lier Leo à Alma. Et pourtant… De la Pologne des années 30 à Central Park aujourd’hui, le manuscrit d’un livre, « L’Histoire de l’Amour », va voyager à travers le temps et les continents pour unir leurs destinées.

    Avant la projection, le cinéaste a prévenu les festivaliers : « J’espère que vous avez fait une bonne sieste car le début du film est difficile ». Il a eu bien tort de sous-estimer la limpidité de son travail (et l’état d’éveil du spectateur) car si la structure du film est labyrinthique son écriture brillante (un modèle de scénario) la rend aisément compréhensible.  Cette adaptation du roman desont à l’origine de ce projet d’adaptation auquel le cinéaste a adhéré avec enthousiasme.

    « Il me semble qu’aujourd’hui la plus grave et profonde crise que l’humanité traverse – qui engendre toutes les autres – est l’incapacité d’aimer l’autre. Nous vivons une époque où l’amour de soi triomphe sur le projet de vie d’avoir la joie et la satisfaction de faire du bien à l’autre, de croire en l’autre. Parfois l’amour semble désuet, dégradant, ringard, « conservateur ». J’ai adoré défendre ces dinosaures utopistes qui se battent pour le sentiment amoureux, pour l’amour qui aide à survivre à tout », a-t-il ainsi déclaré. Si le film peut sembler au début désuet, voire suranné, la force du propos, de la mise en scène, de l’interprétation, de l’Histoire nous emportent rapidement dans leur tourbillon d’émotions et dans cette histoire romanesque comme il en existe désormais si peu. La complexité de la narration au lieu de perdre le spectateur et de dissoudre son émotion et son attention ne contribuent qu’à l’accroître pour le bouleverser au dénouement lorsque toutes les pièces du puzzle se reconstituent. Avec ce film, Radu Mihaileanu milite d’une autre manière, pour la croyance dans le romanesque de l’existence, dans la capacité de l’amour à transcender la mort et les épreuves de la vie, et à réunir les êtres. La musique d’Armand Amar avec lequel le cinéaste travaille depuis « Va, vis et deviens » en 2005 exacerbe encore le souffle romantique du film entre  la clarinette, le violon et les cuivres qui nous fendent le cœur. Un film universel. Un conte d’une sensibilité rare qui est une déclaration d’amour aux pouvoirs des mots et de l’écrit qui transcendent la mort. (Je vous en parlerai plus longuement et comme il se doit lors de sa sortie en salles le 9 novembre 2016). Alors laissez-vous embarquer et terminons comme nous avons commencé : « once upon a time »…

  • Avant-première de LIFE d'Anton Corbijn et début de la compétition du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2015

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    Alors que, ce matin, les planches se réveillent sous un soleil radieux (ne vous avais-je pas dit hier -dans mon premier compte rendu à retrouver, ici- que Deauville, le temps du festival, se transformait en décor de film où tout est possible?), revenons sur la journée d'hier avec trois films qui montrent l'éclectisme de ce festival (sans compter les Docs de l'oncle Sam et les rétrospectives auxquels je n'ai pas eu le temps d'assister).

    La journée a débuté avec le premier film en compétition de ce 41ème Festival du Cinéma Américain: "99 homes" de Ramin Bahrani.

    Un homme dont la maison vient d'être saisie par sa banque (Andrew Garfield), se retrouve à devoir travailler avec le promoteur immobilier véreux (Michael Shannon) qui est responsable de son malheur.

    Cela commence par une image choc. Un homme  ensanglanté, mort, chez lui. Dès le début, musique, montage vif, caméra fébrile au plus près des visages contribuent à souligner le sentiment d'urgence, de menace qui plane. Si la situation est manichéenne: les autorités contre les propriétaires expulsés tels les méchants contre les gentils d'un western dont le film emprunte d'ailleurs les codes, bien vite le spectateur décèle la complexité de la situation (notamment grâce au jeu plus nuancé qu'il ne semble de Michael Shannon, dont le cynisme se craquèle par instants fugaces), un "far west" des temps modernes dans lequel chacun lutte pour sa survie, au mépris de la morale. C'est l'envers de l'American dream. Dans cette Amérique-là, pour faire partie des "gagnants", tous les coups sont permis. Ramin Bahrani a retranscrit des situations réelles d'expulsion pour enrichir son film, lui apportant un aspect documentaire intéressant qui montre comment la machine (étatique, judiciaire, bancaire) peut broyer les êtres et les âmes.  Dommage cependant que, pour appuyer un propos déjà suffisamment fort et qui se suffisait à lui-même, il ait fallu recourir à cette musique dont l'effet d'angoisse produit est certes incontestable mais qui est peut-être superflue. Le drame social devient alors thriller. La fin (sauver sa peau) justifie alors les moyens, tous les moyens.  L'homme qui travaille pour le promoteur immobilier (avec lequel une sorte de relation filiale s'établit, l'un et l'autre ayant en commun de ne vouloir devenir ce que leurs pères furent, à tout prix), prêt à tout pour sauver sa famille, même faire vivre à d'autres le même enfer que celui qu'il a vécu (en essayant tout de même d'y mettre les formes) deviendra-t-il un parfait cynique ou finira-t-il par recouvrer une conscience, une morale? C'est autour de ce suspense que tient le film. La tension culmine lors de la scène finale, attendue, et qui finalement emprunte là aussi aux codes du western: la morale est sauve.  N'est-elle pas un peu facile ? Je vous en laisse juges...

     

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    Beaucoup plus sobre était le deuxième film en compétition de cette journée: un premier long-métrage de Chloé Zhao intitulé "Les chansons que mes pères m'ont apprises".

    Johnny vient de terminer ses études. Lui et sa petite amie s'apprêtent à quitter la réserve indienne de Pine Ridge pour chercher du travail à Los Angeles. La disparition soudaine du père de Johnny vient bousculer ses projets. Il hésite également à laisser derrière lui Jashaun, sa petite sœur de treize ans dont il est particulièrement proche. C'est tout simplement son avenir que Johnny doit maintenant reconsidérer…

    Si ce film est donc beaucoup plus sobre que celui précédemment évoqué, ils ont en revanche en commun d'expliquer les failles et les fêlures de leurs personnages par une figure paternelle défaillante. Porté par une voix off (au début principalement) qu'affectionne le cinéma indépendant américain et qui, toujours, produit son effet, créant d'emblée lyrisme et empathie, par des acteurs pour la plupart non professionnels et issus véritablement de la réserve indienne, le film de Chloé Zhao dépeint avec beaucoup de délicatesse ce territoire d'une beauté à couper le souffle, paradoxalement un univers clos qui devient comme une prison  étouffante pour ceux qui y (sur)vivent. 

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    La sobriété était aussi au rendez- vous (et c'est pour moi une grande qualité) dans le très attendu "Life"d'Anton Corbijn présenté en avant-première, en présence du réalisateur Anton Corbijn (dont l'excellent précédent film "Un homme très recherché" était en compétition l'an passé à Deauville) et le comédien principal Dane DeHaan. Robert Pattinson à qui le festival devait cette année remettre le prix du Nouvel Hollywood était finalement absent, retenu sur le tournage du dernier film de James Gray depuis lequel il a laissé un message vidéo aux festivaliers.

    "Life", c'est l'histoire d'un jeune photographe (Robert Pattinson) qui cherche à se faire un nom  et qui croise  un acteur débutant, un certain... James Dean (Dane DeHaan) et décide de lui consacrer un reportage. Cette série de photos iconiques rendit célèbre le photographe Dennis Stock et immortalisa celui qui allait devenir une star.

    Anton Corbijn a été photographe avant d'être réalisateur et cela se ressent dans chacun de ses films à la mise en scène et photographie d'une élégance remarquable. "Life" est ainsi son 4ème long-métrage après "Control" (2007), "The American" (2010), "Un homme très recherché " (2014). Peu à peu, il dessine ainsi les contours de son univers et de ses personnages, des (anti?)héros solitaires, tel George Clooney dans "The American" (ma critique, ici), dans ce petit village des Abruzzes aux paysages rugueux, d’une beauté inquiétante et âpre avec un personnage qui n'était pas sans rappeler "Le Samouraï" de Melville. Le photographe et James Dean sont aussi à leurs manières des incarnations de ce Samouraï.

    Si Dane DeHaan ne possède pas ce charisme et la séduction implacables que dégageait l'acteur de "A l'Est d'Eden", "La Fureur de vivre" et "Géant", son jeu n'en est pas moins d'une réelle intensité. A l'image de ce que fuyait James Dean, les tapis rouges, les flashs, les mondanités, Anton Corbijn a délaissé l'image de papier glacé pour privilégier la "dimension humaine" du personnage, des personnages même car, comme l'a souligné le réalisateur en conférence de presse, hier, le film n'est pas un Biopic mais le portrait de la relation entre ces deux hommes. Il est en effet bien plus intéressant que cela. Il n'en demeure pas moins qu'il passionnera ceux qui, comme moi, aiment ce cinéma des années cinquante et les trois chefs d'œuvre dans lesquels cet écorché vif irremplaçable, cet acteur hors du commun, a tournés.

    Si le titre se réfère à celui du magazine dans lequel ont été publiées les célèbres photos de James Dean, il se réfère peut-être aussi à la passionnante réflexion sur la vie (en général et celle de l'acteur) que le film porte en filigrane. Cette vie basée un peu trop sur le passé, pas assez dans le présent, et réfutant l'avenir, cette vie que James Dean a vécue à cent à l'heure, pour oublier le passé, défier le présent et cet avenir qu'il semblait redouter et narguer.

    Un film mélancolique et ensorcelant, à la lenteur et la sobriété judicieuses, en accord avec le propos mais jamais ennuyeuses, porté par une réalisation particulièrement élégante et deux acteurs remarquables : si Dane DeHaan ne peut de toute façon "être" James Dean, il donne incontestablement une âme à son personnage et face à lui, Robert Pattinson confirme ce que Cronenberg a su si bien souligner, le potentiel immense d'un acteur qui n'a certainement pas fini de nous surprendre.

    Je vous parlerai à nouveau et plus longuement de ce film mais le temps me manque (d'où cette pseudo critique un peu expéditive), je dois vous laisser pour la première projection du jour...

    Pour finir, comme chaque jour, je vous invite à suivre mes pérégrinations en direct du festival, sur twitter (@moodforcinema et @moodfdeauville) et sur instagram (@sandra_meziere). Sur mes comptes twitter, je mets également à nouveau quelques pass en jeu. Pour remporter le pass ci-dessous, pour le lundi 7 septembre, retrouvez le règlement en remontant mon fil twitter. Bonne chance!

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  • CRAZY AMY de Judd Apatow et JAMAIS ENTRE AMIS de Leslye Headland : premières du 41ème Festival du Cinéma Américain de Deauville

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    Le Festival du Cinéma Américain de Deauville a également annoncé deux premières qui devraient créer l'événement. Le festival mettra à l'honneur la comédie américaine et sa nouvelle génération d'actrices emblématiques avec la projection en avant-première de deux films:


    CRAZY AMY (Trainwreck)


    Dernière réalisation de Judd Apatow, roi de la nouvelle vague de la comédie américaine, avec Amy Schumer, humoriste et comédienne qui a également signé le scénario du film.


    INTERPRETATION Amy Schumer (Amy), Bill Hader (Aaron), Brie Larson (Kim), Colin Quinn (Gordon), John Cena (Steven), Vanessa Bayer (Nikki), Mike Birbiglia (Tom), Ezra Miller (Donald), Dave Attell (Noam), Tilda Swinton (Dianna), LeBron James (lui-même)



    Depuis sa plus tendre enfance, le père d'Amy n'a eu de cesse de lui répéter qu'il n'est pas réaliste d'être monogame. Devenue journaliste, Amy vit selon ce crédo – appréciant sa vie de jeune femme libre et désinhibée loin des relations amoureuses, qu'elle considère étouffantes et ennuyeuses ; mais en réalité, elle s'est un peu enlisée dans la routine. Quand elle se retrouve à craquer pour le sujet de son nouvel article, un brillant et charmant médecin du sport nommé Aaron Conners, Amy commence à se demander si les autres adultes, y compris ce type qui semble vraiment l'apprécier, n'auraient pas quelque chose à lui apprendre.

    JAMAIS ENTRE AMIS

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    De Leslye Headland réalisatrice du très remarqué Bachelorette en 2012. La comédienne Alison Brie, à l'affiche du film et qui a déjà prouvé son talent dans les séries Mad Men et Community, sera présente à Deauville.


    INTERPRÉTATION Alison Brie (Lainey Dalton), Jason Sudeikis (Jake Harbor), Natasha Lyonne (Kara), Adam Scott (Matthew Sobvechik), Amanda Peet (Paula), Marc Blucas (Chris), Jason Mantzoukas (Xander)

    DISTRIBUTION La Belle Company

    CONTACT PRESSE  Le Public Système Cinéma

    Aïda Belloulid - abelloulid@lepublicsystemecinema.fr


    Jake et Lainey ont perdu ensemble leur virginité sur un coup de tête à l'université. Quand ils se recroisent douze ans plus tard à New York, ils réalisent tous les deux qu'ils sont devenus des champions de l'infidélité. Prêts à tout pour trouver des solutions à leur problème, ils s'engagent dans une relation platonique sans tabous afin de s'entraider dans leur quête du véritable amour.

  • Compte rendu complet et palmarès du 40ème Festival du Cinéma Américain de Deauville

     

    «Qu’est-ce que vous choisiriez : l’art ou la vie ? » demande le personnage interprété par Jean-Louis Trintignant citant Giacometti dans Un homme et une femme  le chef d’œuvre de Claude Lelouch, l’amoureux de Deauville qui l’a sublimement et comme nul autre immortalisée, cette année membre du (prestigieux) jury du 40ème Festival du Cinéma Américain présidé par Costa-Gavras. Je vous laisse réfléchir à ce cruel dilemme… Toujours est-il que le premier me semble vital tant il est un salutaire et merveilleux refuge qui aide à supporter les vicissitudes de la seconde.

     « Il n’y a pas de vraies rencontres sans miracles » a aussi coutume de dire Claude Lelouch. Ma rencontre avec Deauville et son Festival du Cinéma Américain de Deauville en fut un il y a 20 ans. Depuis, c’est un rendez-vous immuable. Quoiqu’il arrive. Malgré les bonheurs et les drames de l’existence. Une bulle d’irréalité. 20 ans de pérégrinations festivalières et 15 participations à des jurys de festivals de cinéma plus tard, je reviens toujours avec le même enthousiasme, la même soif de découvertes cinématographiques et le même plaisir à fouler les planches avec toujours cette impression de les découvrir sous une lumière nouvelle, et le même plaisir à me laisser éblouir par cette beauté changeante et multiple.

     Cette année, les premiers jours du festival, un brouillard presque onirique enveloppait Deauville d’un voile poétique et mélancolique nous laissant imaginer que la célèbre Mustang allait apparaître et Jean-Louis prononcer « Montmartre 1540 » avec sa voix douce et inimitable. Puis, le soleil s’est levé et a illuminé Deauville pendant toute la durée du festival, nous embarquant ailleurs, un peu plus encore, dans cette bulle de cinéma, aux frontières de l’irréalité…

     Comme vous pouvez le constater, j’ai scrupuleusement suivi la prescription de Claude Lelouch à l’ouverture : « On ne meurt jamais d’une overdose de rêves. N’ayez pas peur pendant ces 10 jours de vous shooter au cinéma Américain !». Un joyeux oxymore que cette overdose de rêves à prescrire sans modération.

    L’an passé, les films de la compétition mettaient  souvent en scène un personnage seul, blessé, fou même parfois, épris de vengeance, et des armes à feu omniprésentes comme si l’Amérique cherchait à exorciser ce qui lui inflige des blessures quotidiennes mais dont elle semble toujours ne pas pouvoir se passer. Au contraire, cette année, la compétition s’est distinguée par son éclectisme, nous montrant toute une palette de genres et de couleurs du cinéma américain, Deauville en étant plus que jamais le symbole de sa diversité entre les Docs de l’oncle Sam, les classiques, les films plus « grand public » en avant-première et aussi, surtout, les films indépendants qui, une fois de plus, contenaient les plus belles surprises du festival.

    Peut-être une édition anniversaire moins éblouissante que le furent ses 35 ans et plus encore ses 25 ans ( quel plateau inouï et difficilement égalable de 25 « stars » du cinéma américain qui, triste ironie du destin, réunissait Robin Williams et Lauren Bacall !) mais qui confirme que les temps, depuis, ont changé (pour le monde, pour le cinéma) et qui confirme également la nouvelle orientation du festival qui consiste à honorer la diversité du cinéma américain et avant tout son cinéma indépendant qu’il met joliment à l’honneur depuis 1995 avec la compétition.

    Malgré la diversité des genres de films en lice, des thématiques se dégageaient néanmoins de cette sélection 2014 comme la quête d’identité et un besoin de rêves, d’ailleurs, de magie, que ce soit… par la magie elle-même, la cuisine, la musique ou le mensonge qui fut d’ailleurs également un thème récurrent de cette édition qui a beaucoup écorné le mythe de la famille modèle américaine, souvent pour notre plus grand (et coupable, un peu) plaisir de spectateurs… Parmi les nouveautés notables, on remarquera que  4 films appartenaient au genre fantastique et que des réalisateurs plus « confirmés » ont eu leurs films sélectionnés en compétition, témoignant là aussi d’un nouveau virage du festival, un virage pris avec succès.

    Si je devais ne retenir que quelques images ou sensations de cette édition, ce serait, pèle-mêle…. Un œil captivant. Des musiques étourdissantes. Des interprétations fiévreuses (Miles Teller, J.K Simmons,  Chadwick Boseman). Des présences charismatiques (Jessica Chastain, Mick Jagger, Claude Lelouch, Ray Liotta, Vincent Lindon). Une nostalgie suffocante. Une mélancolie réjouissante. Deauville, la versatile éblouissante. Des paradoxes, encore, toujours. De belles rencontres avec des lecteurs de ce blog (qui, je l’espère, liront cet article et se reconnaîtront). Et je retiendrais, enfin, une phrase qui fait si bien écho à mes propres impressions, extraite du film projeté en avant-première The disappearance of Eleanor Rigby (au passage, Jessica Chastain, y prouve une nouvelle fois toute sa sensibilité et la large étendue de son talent): « Le drame est un pays étranger. On ne sait pas s’adresser aux autochtones ». Ô combien. Ce festival a pour moi ressemblé à un troublant et déstabilisant tango, beau et douloureux, entre le présent et le passé, les souvenirs et la réalité, la nostalgie et l’espoir. Cela tombe bien, l’espoir était à l’honneur dans deux de mes coups de cœur de cette 40ème édition: « Magic in the moonlight » de Woody Allen et « I origins » de Mike Cahill qui, l’un et l’autre, se confrontent au mystère de la plus belle des illusions, l’amour, et rendent ainsi métaphoriquement hommage à l’autre sublime illusion que leurs films et le festival honorent brillamment et magnifiquement : le cinéma.

    Heureusement donc, il y a (il reste) le cinéma : passion, elle magique et immortelle, dont le film d’ouverture a exalté la beauté. Un cinéma qui nous aide à supporter la brutalité et l’injustice ravageuses de l’existence. Une passion que m’a transmise un être cher récemment disparu : un inestimable cadeau.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Retour sur dix jours d’une overdose inoffensive et vitale de cinéma… et pour une plongée fictive au cœur du festival, vous pouvez toujours lire mon recueil de nouvelles « Ombres parallèles » et  mon roman « Les Orgueilleux » qui se déroulent au cœur des festivals de cinéma et du Festival du Cinéma Américain de Deauville. L’un et l’autre publiés aux Editions Numeriklivres sont disponibles dans toutes les librairies numériques (Amazon, Fnac, Relay etc).

    Vous pouvez aussi retrouver, en cliquant ici, mon article fleuve sur mes bonnes adresses deauvillaises et ma passion pour Deauville mis à jour suite à ces 15 jours à Deauville (avec un ajout à propos de ma nouvelle « Cantine » deauvillaise éponyme où j’ai dû déjeuner/dîner pas moins de 10 fois en 15 jours. Allez-y de ma part…).

    « Magic in the moonlight « de Woody Allen en ouverture : la magie au rendez-vous (cliquez ici pour lire le récit complet de l’ouverture)

    Fidèle à son habitude, Woody Allen, « retenu à New York » ne s’est pas déplacé pour l’ouverture mais a tout de même envoyé un petit mot en vidéo aux festivaliers « J’aimerais traverser l’écran comme dans La Rose pourpre » concluant, avec son humour caustique habituel que « Quoi d’autre puis-je dire : c’est bien d’être à New York aussi. »

     Après « Blue jasmine » projeté à Deauville l’an passé en avant-première, avec « Magic in the moonlight » il revient à la comédie, plus légère, même si le film est émaillé de ses réflexions  acerbes (mais lucides) sur la vie et même si, comme toujours chez Woody Allen, la comédie, est le masque de sa redoutable (et irrésistible) lucidité sur l’existence et les travers de chacun.

    Cette fois, il nous embarque dans les années 1920, sur la Côte d’Azur, avec un grand magicien incarné par Colin Firth qui va tenter de démasquer l’imposture d’une femme médium incarnée par Emma Stone. Le prestidigitateur chinois Wei Ling Soo est le plus célèbre magicien de son époque, mais rares sont ceux à savoir qu’il s’agit en réalité du nom de scène de Stanley Crawford (Colin Firth, donc) : un Anglais arrogant qui a une très haute estime de lui-même mais  qui ne supporte pas les supposés médiums qui prétendent prédire l’avenir. Se laissant convaincre par son fidèle ami Howard Burkan (Simon McBurney), Stanley se rend chez les Catledge qui possèdent une somptueuse propriété sur la Côte d’Azur : il y fait la connaissance de la mère, Grace (Jacki Weaver), du fils, Brice (Hamish Linklater), et de la fille, Caroline (Erica Leerhsen). Il se fait passer pour un homme d’affaires, du nom de Stanley Taplinger, dans le but de confondre la jeune et ravissante Sophie Baker (Emma Stone) qui séjourne chez les Catledge avec sa mère (Marcia Gay Harden). En effet, Sophie a été invitée par Grace, convaincue que la jeune fille pourra lui permettre d’entrer en contact avec son défunt mari. Mais, contrairement à ce qu’il pensait, non seulement Stanley ne va pas la démasquer immédiatement et se laisser, peut-être, ensorcler par la plus belle et mystérieuse des magies.

     « Magic in the moonlight » est ainsi un film pétillant sur la plus belle des illusions : le mystère du coup de foudre amoureux. Dès les premières secondes, Woody Allen, comme nul autre, dispose de ce pouvoir (dont il faut bien avouer qu’il est plus le fruit de talent que de magie) de nous plonger dans un cadre, une époque, de brosser le portrait d’un personnage (en l’occurrence, l’arrogant Stanley) et de nous embarquer dans un univers, une intrigue, un ailleurs réjouissants, quasiment hypnotiques.

     Les dialogues, qui, comme toujours épousent le débit du cinéaste, fusent à un rythme échevelé et sont délicieusement sarcastiques à l’image du personnage de Colin Firth, parfait dans le rôle de ce magicien cynique et parfois sinistre (pour notre plus grand plaisir) aux répliques cinglantes.  C’est finalement un peu le double de Woody Allen -comme le sont presque toujours ses personnages principaux, y compris lorsqu’il ne les incarne pas lui-même- : prestidigitateur du cinéma qui parvient à nous faire croire à tout ou presque, amoureux de la magie (d’ailleurs omniprésente dans ses films et qu’il a lui-même pratiquée), mais qui lui-même ne se fait plus beaucoup d’illusions sur la vie et ses contemporains, conscient cependant de notre besoin d’illusions et de magie pour vivre. Celles de la prestidigitation. Ou du cinéma. Ces deux maitres des illusions finalement ne se laissent illusionner que par une seule chose : l’amour.

     Les décors subliment la Côte d’Azur lui donnant parfois des accents fitzgeraldiens.  Hommage avant tout au pouvoir de l’imaginaire, des illusions (salvateur et redoutable) comme l’était le sublime « Minuit à Paris », avec ce nouveau film Woody Allen nous jette un nouveau sortilège parvenant à nous faire oublier les faiblesses du film (comme une intrigue amoureuse qui manque parfois un peu de magie justement) pour nous ensorceler et éblouir.

     Dialogues délicieusement sarcastiques, décors et acteurs étincelants, ode ludique aux illusions…. amoureuses (et cinématographiques ), je dois bien avouer avoir, une fois de plus, été hypnotisée par le cinéma de Woody Allen. Retrouvez également mon dossier consacré à Woody Allen avec de nombreuses autres critiques, ici.

     Vous avez raison, Monsieur Lelouch, on ne meurt jamais d’une overdose de rêves qui, au contraire, nous aident à supporter la cruauté de l’existence, comme les films  aussi sarcastiques et cyniques semblent-ils être, pour notre plus grand plaisir de spectateurs et de tristes (et lucides) mortels.

     A fortiori cette année (à quelques exceptions près dont je vous parlerai plus loin), les plus belles surprises vinrent de la compétition avec « I origins », tout d’abord, l’oublié du palmarès et mon grand coup de cœur de cette 40ème édition du festival.

    LA COMPETITION

    Deuxième film de MIKE CAHILL qui avait déjà fait forte impression à Deauville avec « Another Earth » en compétition en 2011, I ORIGINS met à nouveau la science (ou un prétexte scientifique) au service du récit.  Mike Cahill met en scène Michael Pitt, Brit Marling (à nouveau, déjà héroïne révélée par « Another earth »), Astrid Bergès-Frisbey. Pas seulement réalisateur mais aussi scénariste, monteur, producteur du film, Mike Cahill fait preuve d’une remarquable maîtrise dans les différents domaines de la création cinématographique. Le personnage de Michael Pitt pourrait être le double scientifique de celui de Colin Firth dans « Magic in the moonlight » de Woody Allen, aussi athée que ce dernier est rationnel et finalement l’un et l’autre sont confrontés au même mystère qui ébranle leurs certitudes, celui du coup de foudre amoureux. Michael Pitt incarne en effet ici un scientifique, plus exactement un biologiste moléculaire, qui pense avoir trouvé la preuve de l’inexistence de Dieu à partir de ses recherches sur l’œil dont la singularité attesterait de la théorie de l’évolution. Cela démarre d’ailleurs par un coup de foudre pour un regard,  plus que jamais fenêtre sur l’âme, qui le mènera loin, très loin, jusqu’en Inde et qui fera basculer ses certitudes, donc.

     Film inclassable aux frontières des genres, « I origins » évite les pièges dans lesquels ce récit sur le fil aurait pu le faire tomber comme le didactisme ou la prétention. La construction brillante et dichotomique du film vient intelligemment illustrer le propos sans jamais l’alourdir. Deux parties. Comme …Deux yeux. Deux femmes opposées. La blonde et la brune. L’une rationnelle, scientifique. L’autre, artiste, mystique. Deux formes d’amour. Deux théories. La raison et la passion. La science et la croyance. Deux parties dans le film. La première qui prouve l’inexistence de Dieu. Et la seconde qui infirme peu à peu les certitudes de la première partie. I origins et Eye origins. Les preuves et les certitudes face à l’amour, mystère qui les bouscule.

    En résulte un film sensoriel ensorcelant, évanescent, poétique comme  ce « paon blanc » qui « symbolise les âmes dispersées dans le monde. »

    Ajoutez à cela une bo savoureuse et vous obtiendrez une alchimie rare et un film étourdissant de beauté et d’originalité, porteur d’espoir et de magie. A voir absolument!

    Le jury a préféré couronner du grand prix « WHIPLASH », deuxième film de Damien Chazelle qui a également reçu le prix du public et une véritable ovation lors de sa projection dans le CID. « Whiplash », déjà  remarqué à la Quinzaine des Réalisateurs 2014 est interprété magistralement par Miles Teller et J.K. Simmons,  le premier interprétant Andrew, un jeune élève du Conservatoire de dix-neuf ans qui rêve de devenir l’un des meilleurs batteurs de jazz de sa génération et l’autre, son professeur Terence Fletcher,  qui dirige le meilleur orchestre de l’établissement.  Tourné en 19 jours, le film est remarquable dans la précision et l’exigence à l’image de la musique qu’il exalte et sublime.

     Andrew Nieman. A une lettre près, (Niemand) personne en Allemand. Et Andrew semble avoir une seule obsession, devenir quelqu’un par la musique. Assouvir sa soif de réussite tout comme le personnage interprété par J.K Simmons souhaite assouvir sa soif d’autorité. Une confrontation explosive entre deux desseins, deux ambitions irrépressibles, deux folies.  L’objet rêvé pour le manipulateur machiavélique qui sous le fallacieux prétexte que « la fin justifie les moyens » use et abuse de sa force et son pouvoir pour obtenir le résultat qu’il souhaite mais surtout asseoir son emprise. J.K Simmons donne corps et froideur d’âme à ce personnage tyrannique et irascible qui sait se montrer mielleux pour atteindre son objectif.

     La réalisation s’empare du rythme fougueux, fiévreux, animal de la musique, grisante et grisée par la folie du rythme et de l’ambition, dévastatrice, et joue judicieusement et avec manichéisme sur les couleurs sombres, jusque dans les vêtements: Fletcher habillé en noir comme s’il s’agissait d’un costume de scène à l’exception du moment où il donne l’impression de se mettre à nu et de baisser la garde, Andrew habillé de blanc quand il incarne encore l’innocence puis de noir à son tour et omniprésence du rouge (du sang, de la viande, du tshirt d’un des « adversaires » d’Andrew) et des gros plans lorsque l’étau se resserre, lorsque le duel devient un combat impitoyable, suffocant. Les rires de la salle sur l’humiliation et sur les ruses et sentences de dictateur (qu’est finalement le professeur) étaient finalement plus dérangeants que le film lui-même, le public étant d’une certaine manière manipulée à son tour, se laissant fasciner par ce personnage tyrannique. Prêt à tout pour réussir, Andrew poussera l’ambition à son paroxysme, au bord du précipice, jusqu’à l’oubli, des autres, de la dignité, aux frontières de la folie.

     Le face à face final est un véritable combat de boxe (et filmé comme tel) où l’immoralité sortira gagnante : la dictature et l’autorité permettent à l’homme de se surpasser… La scène n’en est pas moins magnifiquement filmée  transcendée par le jeu enfiévré et exalté des deux combattants.

    Bien que batteur depuis ses quinze ans, et ayant pris des cours trois jours par semaine pendant quatre heures pour parfaire sa technique et ne faisant « que » 70% des prestations du film, Miles Teller est impressionnant dans l’énergie, la détermination, la folie, la maîtrise, la précision. En conférence de presse, Damien Chazelle a raconté s’être inspiré de son expérience personnelle pour écrire et réaliser « Whiplash », ayant appris par le passé  la batterie avec un professeur tyrannique, ce qui l’a conduit à emprunter une autre voie : celle du cinéma. Une décision sans aucun doute judicieuse même si j’espère qu’il continuera à allier cinéma et musique dans ses prochains films, son amour de la musique transparaissant, transpirant même dans chaque plan du film.

     

     Parmi les autres films marquants de cette compétition figure UN HOMME TRÈS RECHERCHÉ d’Anton Corbijn, adapté  du thriller homonyme de John Le Carré, qui se démarquait des films habituellement projetés en compétition à Deauville puisqu’il s’agissait du film d’un réalisateur déjà confirmé avec un casting d’acteurs (re)connus ; Philip Seymour Hoffman, Rachel McAdams, Grigory Dobrygin, Willem Dafoe, Robin Wright, Homayoun Ershadi, Nina Hoss, Daniel Brühl. Plus de dix ans après les attentats du 11 septembre 2001, la ville de Hambourg a du mal à se remettre d’avoir abrité une importante cellule terroriste à l’origine des attaques contre le World Trade Center. Lorsqu’un immigré d’origine russo-tchétchène, ayant subi de terribles sévices, débarque dans la communauté musulmane de Hambourg pour récupérer la fortune mal acquise de son père, les services secrets allemands et américains sont en alerte. Une course contre la montre s’engage alors pour identifier cet homme très recherché : s’agit-il d’une victime ou d’un extrémiste aux intentions destructrices ?

     « Un homme très recherché » est un des derniers films de Philip Seymour Hoffman, décédé le 2 février 2014, qui excelle dans ce rôle d’agent secret solitaire, sombre, obstiné. A l’image des précédents films du réalisateur,  « Un homme très recherché » est un film qui n’est pas immédiatement aimable, qui n’entre pas dans une quête du spectaculaire ni dans la surenchère dans les scènes d’action (je n’en dirai pas autant du ridicule « November man » avec Pierce Brosnan, projeté en avant-première du festival, qui ressemble à une caricature de film d’action et dont « Un homme très recherché » est le subtil contraire) mais s’attache avant tout à l’humanité et aux contradictions, aux zones d’ombre, de ses personnages. Un scénario ciselé, qui relate avec précision la complexité de la situation. Le suspense, haletant, ne réside pas tant dans l’intrigue que dans la richesse et l’ambivalence des personnages. L’image aux teintes grisâtres et automnales nous plonge dans la mélancolie nous rappelant ce petit village des Abruzzes aux paysages rugueux, d’une beauté inquiétante et âpre de « The American ».

    Un film porté par  une mélancolie et une sobriété fascinantes, en particulier celles de Philip Seymour Hoffman. Un film prenant, glacial, rigoureux, rugueux presque, sinueux, palpitant, complexe sans être hermétique,  à la fois sombre et réjouissant et qui, pourtant, jamais, ne cherche à l’être à tout prix qui nous interroge sur les notions de bien et de mal en évitant le manichéisme auquel il aurait été si facile de céder avec un tel sujet. Surtout un très beau film sur la confrontation des idéaux avec la réalité et sur l’engagement (de l’avocate, de l’espion) et un très beau portrait d’espion aux prises avec la morale et les guerres entre services partagés entre la vanité (dans les deux sens du terme) de leurs ambitions et l’envie de réussir dans la lutte anti-terroriste. Un sujet dramatiquement d’actualité, aussi, qui accroît encore l’intérêt pour ce film passionnant. 

     Avec WHITE BIRD de Gregg Araki, on retrouve les thèmes habituels de la compétition deauvillaise avec l’adolescence et le difficile passage à l’âge adulte. Kat Connors a en effet dix-sept ans lorsque sa mère disparaît sans laisser de trace. Alors qu’elle découvre au même moment sa sexualité, Kat semble à peine troublée par cette absence et ne paraît pas en vouloir à son père, un homme effacé. Mais peu à peu, ses nuits peuplées de rêves vont l’affecter profondément et l’amener à s’interroger sur elle-même et sur les raisons véritables de la disparition de sa mère… L’atmosphère hypnotique du film, les couleurs acidulées  nous happent dans cet univers étrangement captivant qui oscille entre rêve et cauchemar.  La mère est  incarnée par Eva Green qui, dans son pavillon, adopte des postures de star hollywoodienne, fragile et inquiétante. Comme le cinéma de Chabrol ou celui d’Ozon démythifient la bourgeoisie de province, Gregg Araki démythifie la famille modèle américaine.  Les pavillons en apparence si lisses avec leurs familles en apparence si respectables dissimulent bien des tourments, des mensonges et des secrets inavouables.   Shailene Woodley ne démérite pas face à Eva Green. Un mélange détonant et ludique (Kat a elle-même conscience de jouer face à sa psy et tout le monde interprète finalement un rôle). Entre la chronique sociale, le drame et le thriller, un film là aussi aux frontières des genres. Un théâtre des apparences qui va finir par voler en éclats…pour le plus grand plaisir des spectateurs.

     Le jury a choisi cette année d’attribuer un prix  du 40ème anniversaire à un premier film qui présente en commun avec le film précédent d’écorner le vernis de la société américaine et de la famille « idéale ». Cela commence autour d’une piscine sous un soleil éclatant. Mais c’est bien connu tout ce qui brille n’est pas de l’or… THINGS PEOPLE DO, premier film de Saar Klein nous raconte le tournant de la vie de  Bill, un père de famille dévoué, qui perd son travail du jour au lendemain. Il n’a alors pas d’autre choix que celui d’entrer, presque à son insu, dans l’illégalité. Quand il se lie d’amitié avec un inspecteur de police, c’est la double vie qui est désormais la sienne qui risque à terme d’être révélée…  Un homme de la classe moyenne dont la vie bascule suite au scandale des subprimes. Comme le film précédemment évoqué « Things people do » est sur la ligne fragile entre thriller et étude sociale. L’univers de Saar Klein est visuellement moins marqué que celui de Gregg Araki même s’ils ont en commun l’amoralité, et même l’immoralité et cette notion de «  ce que font les gens » (Things people do) pour satisfaire leurs désirs ou arriver à leurs fins, à commencer par ne pas respecter les règles qu’eux-même énoncent. Jusqu’à la fin, cette immoralité nous tient en haleine et suscite les rires (grinçants) avec un dernier plan, brillant, qui les suspend…et nous laisse choisir entre le mensonge et la vérité, l’honnêteté et le cynisme, le courage et la lâcheté…et rien que pour cela, cette intelligence de ne pas choisir quand tant de films nous disent, ordonnent, même quoi penser, je vous le recommande…

     Aimer le cinéma, (aimer tout court ?), c’est accepter d’être aveugle aux défauts et  se laisser porter par l’émotion sans en chercher la raison, c’est accepter qu’on nous raconte une histoire et accepter d’être emportés par celle-ci. THE GOOD LIE de Philippe Falardeau, qui possède en commun avec les films précédent de traiter de l’opportunisme du mensonge mais cette fois de manière beaucoup moins cynique, a reçu le prix du jury. Inspiré de faits réels, il raconte l’histoire incroyable de quatre orphelins, rescapés d’une attaque de leur village au Soudan (magnifiquement filmé, judicieux et terrible contraste entre la beauté du lieu et l’horreur absolue que vivent les habitants). Ils parcourent près de 1 000 kilomètres à pieds pour rejoindre un camp de réfugiés des Nations Unies et survivre. Dix ans plus tard, devenus adolescents, ils gagnent le droit d’immigrer aux Etats-Unis à la suite d’un tirage au sort. Commence pour eux une nouvelle aventure dans un monde inconnu et surprenant, marquée par la rencontre d’une femme qui les aidera à retrouver un sens à la vie. Malgré de nombreux clichés, maladresses et facilités scénarsitiques, ce film m’a touchée, tout simplement pour la sincérité parfois presque naïve avec laquelle le réalisateur traite son poignant sujet. Et les bons sentiments, au milieu de ces films sur le mensonge qui dressent un portrait cynique de la société américaine, font parfois, aussi, du bien… 

    THE BETTER ANGELS de A. J. Edwards n’a en revanche pas emporté les suffrages du jury, sans doute en raison de son ton presque plus malickien que le cinéma de Terrence Malick lui-même dont on découvre sans surprise qu’il est coproducteur du film qui pourrait presque être une réinterprétation de « The tree of life » dont le récit de l’enfance de Lincoln ne serait que le prétexte. J’avoue, malgré tout, m’être laissée portée par la beauté  du noir et blanc, l’évocation presque impressionniste de l’enfance de Lincoln, la  beauté de la nature exacerbée par des contre-plongées très malickiennes et par les évocations presque implicites de ce qui forgera le caractère et les combats de Lincoln comme cette scène presque furtive lors de laquelle il croise les esclaves enchaînés dans la forêt. Le film est porté par une poésie évanescente qui vous éblouira, charmera (ce qui fut mon cas) ou lassera. A vous de tenter l’expérience.

     Je n’ai en revanche pas été emportée par WAR STORY, 2ème film de Mark Jackson  malgré la forte présence de Catherine Keener qui incarne ici une photographe de guerre qui, après avoir été prise en otage en Libye et y avoir subi des sévices, choisit de se rendre dans un petit hôtel de Sicile pour s’isoler et évacuer à sa façon son « stress post-traumatique ». Elle y croise Hafsia, une jeune immigrée tunisienne qui veut à tout prix rejoindre la France, et qui ressemble à s’y méprendre à une jeune Libyenne que Lee a photographiée juste avant son enlèvement… D’un sujet passionnant, Mark Jackson a tiré un  film présomptueux qui abuse des longs plans fixes et plans séquences pour nous signifier (et nous faire éprouver) la douleur de l’héroïne.

     COLD IN JULY (Juillet de sang) de Jim Mickle avec Michael C. Hall, Sam Shepard, Don Johnson, Vinessa Shaw, Wyatt Russell est un autre oublié du palmarès. Cela se déroule en 1989, au Texas. Une nuit, Richard Dane abat un homme qui vient de pénétrer dans sa maison. Alors qu’il est considéré comme un héros par les habitants de sa petite ville, Richard Dane est malgré lui entraîné dans un monde de corruption et de violence.  Après avoir présenté l’horrifique « We are what we are », en compétition à Deauville l’an passé, Jim Mickle s’attèle à un autre film de genre ou genre de film, le thriller des années 80 aux frontières de la série B.  Le film est servi par un casting haut en couleurs et fortes personnalités : Don Johnson dans le rôle du détective privé, Sam Shepard en père vengeur ultra violent et terrifiant et surtout Michael C. Hall, en Monsieur tout le monde se transformant en vengeur intrépide. Le film est servi par un scénario haletant qui jongle avec les styles, des comédiens et un portrait sans concessions de l’Amérique. Un film jubilatoire. L’autre plaisir coupable de ce festival qui a réjoui de nombreux festivaliers. Là encore, comme dans « White bird », « Things people do », le mensonge règne en maître et derrière l’apparent père de famille de la classe moyenne américaine se dessine un portrait moins lisse et moins reluisant.

     On oubliera en revanche UNCERTAIN TERMS de Nathan Silver qui se déroule dans   foyer d’accueil pour adolescentes enceintes et qui pâtit d’une écriture trop appuyée, de scènes téléphonées, de clichés qui rendent l’ensemble dépourvu de subtilité.

     JAMIE MARKS IS DEAD, 2ème film de Carter Smith, prenait prétexte d’une histoire  de mort et de fantôme pour nous parler de  la solitude, la difficulté  à trouver sa place quand on est adolescent, nous permettant de retrouver le thème fétiche des compétitions Deauvillaises et celui d’Araki. Là on ce dernier recourait à des couleurs kitchs, l’autre nous plonge dans un univers grisâtre, atone.  Les passages les plus réussis sont ceux qui ne recourent pas aux « ficelles » du fantastique avec des scènes parfois plus grandguignolesques que terrifiantes. Le film aura surtout marqué les festivaliers par la ressemblance physique entre Jamie Marks et Harry Potter incarné par Daniel Radclife.

               LES PREMIERES

    Côté avant-premières, le festival nous avait cette année mijoté quelques feel good movies comme  LES RECETTES DU BONHEUR de Lasse Hallström avec une Helen Mirren tourbillonnante, cassante (en apparence seulement, hein) à souhait. Malgré une vision de la France totalement surannée et un alignement de clichés (avec le douanier au béret en prime), un film rythmé et divertissant servi par des comédiens attachants et qui visiblement ont éprouvé un plaisir (communicatif) à jouer leurs rôles avec pour résultat une belle ovation pour Helen Mirren à l’issue de la projection que vous quitterez de bonne humeur…et avec un appétit d’ogre!

     J’y ai finalement été plus sensible qu’au CHEF de Jon Favrau qui, sous prétexte de faire l’éloge de l’indépendance (au cinéma comme en cuisine, la métaphore n’en finissant plus d’être filée) fait tenir des rôles secondaires et insipides à de grands acteurs (Dustin Hoffman en prime avec néanmoins une mention spéciale pour Robert Downey Jr dont le ridicule interprété avec beaucoup de réalisme et sans peur a déridé mes zygomatiques) sans parler de cette utilisation exaspérante des réseaux sociaux comme symbole de la consécration ultime sans doute pour s’attirer la sympathie d’un jeune public (comme symbole de l’indépendance, on a vu mieux…). 

     Venons-en plutôt aux vraies bonnes surprises comme CAMP X-RAY de Peter Sattler avec Kristen Stewart et Payman Maadi. La première ne cesse de montrer l’étdendue de son jeu (étonnante dans « Sils Maria »  sinueuse, lucide et brillante mise en abyme d’Assayas à voir absolument) et interprète ici une jeune femme qui s’engage dans l’armée afin de quitter ses racines rurales et d’évoluer dans un monde plus ouvert. Mais elle se retrouve à son corps défendant à Guantanamo Bay où elle doit garder des djihadistes agressifs et vivre au quotidien avec des soldats peu prévenants. Elle va alors lier une relation particulière avec l’un des détenus…

     Contre toute attente ce qui aurait pu être un film à message politique (lors de l’avant-première, le réalisateur a bien spécifié qu’il ne voulait pas faire un film politique) se révèle être un film sensible sur l’enfermement symbolisé ici par un univers carcéral brutal. Le film quitte progressivement le réalisme pour se transformer en fable universelle réunissant dans leurs solitudes geôlière et prisonnier. Très beaux plans où les barreaux disparaissent comme si les mots et les émotions leur permettaient d’accéder à un ailleurs et à la liberté. Les mots deviennent en effet armes de manipulation puis de l’évasion. Un bel hymne à leur pouvoir, sensible et passionnant du début à la fin si on accepte ce parti pris et de laisser le réalisme au placard.

    Autre bonne surprise : GET ON UP de Tate Taylor qui a valu au festival la présence d’un hôte de marque (et une sécurité impressionnante dans Deauville avec mêmes des barricades anti-émeutes mais chut ne le dites pas trop fort, il se pourrait que je l’aie croisé dansant « incognito » sur la piste de la villa Cartier, chaleureux lieu des soirées deauvillaises), coproducteur du film: Mick Jagger, particulièrement souriant et disponible en conférence de presse comme vous le verrez dans ma vidéo ci-dessus. Tate Taylor avait déjà enflammé Deauville lors de l’ouverture du festival en 2011, cette fois,  il revenait avec le très attendu biopic sur «Monsieur dynamite » avec un portrait visant à nous faire connaître l’homme derrière la légende, l’enfant meurtri et blessé derrière l’homme parfois blessant et violent.

     Né dans une grande pauvreté en Caroline du Sud, au beau milieu de la grande dépression, en 1933, James Brown a survécu à une jeunesse émaillée d’abandon, d’abus sexuel, d’écoles de redressement et de prison. Personne ne lui a jamais appris les règles du jeu. Il était destiné à les briser. De son expérience de boxeur amateur ou de chanteur de rue, il a su canaliser chaque coup dur en un rythme qui se fit l’écho de sa rage de vivre. Il est devenu l’un des interprètes les plus influents qui marquèrent la scène soul ou funk, et l’artiste le plus samplé de l’histoire continue d’inspirer la plupart des artistes reconnus aujourd’hui.

    Au-delà de la success story toujours si efficace au cinéma, comme dans La Couleur des Sentiments Tate Taylor parle aussi des droits civiques et de racisme même si le sujet du film est avant tout James Brown. La mort de Martin Luther King permet ainsi d’évoquer la question. ou encore ces indécents et révoltants combats de boxe auxquels doivent se plier les enfants noirs pour le plaisir des blancs ou encore lors de cette scène chez King Records  lorsque, en écoutant « Please, Please, Please » le patron dira : « Où est le refrain ? Un nègre qui supplie ça ne suffit pas ».

    La réalisation et le montage épousent la folie, le rythme échevelé de la vie et bien sûr, surtout, de la musique de James Brown. Le portrait se veut avant tout flatteur même si certaines zones d’ombre sont évoquées (il battait sa femme, se droguait), elles le sont très furtivement  même si la première scène du film est tout sauf flatteuse. Le film est avant tout un hommage à sa musique, salvatrice (pour les autres et pour lui) à sa volonté rageuse (et parfois violente ou égoïste) de réussir. Son égoïsme est ainsi illustré par ses relations, passionnantes, avec avec son ami Bobby Byrd, son partenaire dans leur premier groupe les Famous Flames, mais aussi son choriste.  C’est avant tout la prestation remarquable, écorchée, fiévreuse, intense de Chadwick Boseman qui marquera les spectateurs (un Oscar en perspective?).   

    Tate Taylor a eu la bonne idée de ne pas recourir au traditionnel récit chronologique mais de déconstruire et exploser le récit à l’image de la musique afin d’éclairer l’une par l’autre et les différents visages de James Brown. On termine le film  sans avoir vu passer les 2H20 avec une seule envie: se lever, applaudir en rythme et partir écouter du James Brown. Mick Jagger reconnaît  s’être largement inspiré de son énergie, sa présence charismatique sur scène mais aussi sa façon de danser. Il pouvait difficilement lui rendre plus bel hommage…

    Après le voyage dans la musique, c’est un véritable voyage visuel éblouissant, étourdissant, fascinant que nous a proposé le festival pour clore cette 40ème édition avec SIN CITY : J’AI TUÉ POUR ELLE de Robert Rodriguez & Frank Miller  avec Mickey Rourke, Jessica Alba, Josh Brolin, Joseph Gordon-Levitt, Rosario Dawson, Eva Green, Ray Liotta, Bruce Willis, Christopher Lloyd, Christopher Meloni, Dennis Haysbert, Jaime King, Jeremy Piven, Juno Temple.

     Dans une ville où la justice est impuissante, les plus désespérés réclament vengeance, et les criminels les plus impitoyables sont poursuivis par des milices. Marv se demande comment il a fait pour échouer au milieu d’un tas de cadavres. Johnny, jeune joueur sûr de lui, débarque à Sin City et ose affronter la plus redoutable crapule de la ville, le sénateur Roark. Dwight McCarthy vit son ultime face-à-face avec Ava Lord, la femme de ses rêves, mais aussi de ses cauchemars. De son côté, Nancy Callahan est dévastée par le suicide de John Hartigan qui, par son geste, a cherché à la protéger. Enragée et brisée par le chagrin, elle n’aspire plus qu’à assouvir sa soif de vengeance. Elle pourra compter sur Marv… Tous vont se retrouver au célèbre Kadie’s Club Pecos de Sin City…

    Alors, bien sûr la construction de l’intrigue est pour le moins imparfaite et inégale. Bien sûr, les clichés sont (omni)présents mais, après tout, à dessein, pour rendre hommage au film noir dont le film reprend et modernise les codes. A l’image du machiavélique personnage d’Eva Green la noirceur et la sophistication du film nous fascinent. Un feu d’artifices visuel qui se regarde avant tout comme un tableau éblouissant, divertissant si on accepte  de faire abstraction des failles et facilités scénaristiques.

    C’est un moment que je ne manque jamais, le prix Michel d’Ornano remis au premier scénario d’un film français qui, chaque année, nous fait découvrir une véritable pépite (l’an passé, « Les garçons et Guillaume, à table » de Guillaume Gallienne mais je me souviens de bien d’autres, comme « Le bleu des villes » de Stéphane Brizé) cette année attribué à ELLE L’ADORE de Jeanne Herry

    Muriel est esthéticienne. Elle est bavarde, un peu menteuse, elle aime raconter des histoires souvent farfelues. Depuis 20 ans, Muriel estaussi la première fan du chanteur à succès Vincent Lacroix. Avec ses chansons et ses concerts, il occupe presque toute sa vie. Lorsqu’une nuit Vincent, son idole, sonne à la porte de Muriel, sa vie bascule. Elle est entrainée dans une histoire qu’elle n’aurait pas osé inventer.

    Dès la première scène, le décor est planté. Muriel raconte une anecdote à deux personnages de dos, témoignant de son goût pour le mensonge et les plaisanteries un peu lugubres. Une scène en trompe-l’œil aussi comme l’est le film qui, sous ses apparences de thriller est une comédie…ou l’inverse, faussement cynique, oscillant entre noirceur et légèreté. Peut-être aurais-je préféré que la noirceur prenne le pas sur la comédie et sans doute est-ce pour cela que je n’ai pas forcément partagé l’enthousiasme général pour ce film même si Sandra Kiberlain apporte au film une folie absolument irrésistible (la scène de l’interrogatoire est un moment d’anthologie, autour duquel semble d’ailleurs tourner le film). Les scènes de commissariat (notamment l’intrigue entre un couple de policiers) ne sont en revanche pas à la hauteur du reste…mais le film possède une légèreté et une folie douce (le film aurait peut-être gagné à ce qu’elle soit poussée encore plus loin,  à être moins consensuel) dont on aurait tort de se priver et il confirme surtout que Sandrine Kiberlain est une comédienne exceptionnelle douée dans tous les registres (rappelez-vous à quel point elle était touchante dans son rôle tout en retenue dans « Mademoiselle Chambon » du même Stéphane Brizé que celui qui avait reçu le prix d’Ornano à Deauville pour « Le Bleu des villes » précédemment évoqué). Une prestation qui nous a aussi valu un des plus beaux moments de ce festival: une véritable déclaration éperdue d’admiration de Vincent Lindon lors de la clôture dont la cinéphilie et la touchante personnalité, enthousiaste et à fleur de peau, ont aussi illuminé ce festival(  comme vous le verrez dans ma vidéo de l’hommage à Ray Liotta plus haut ou de la clôture ci-dessous).

    Conclusion :« Les plus belles années d’une vie sont celles qu’on  n’a pas encore vécues, je m’inscris tout de suite pour être dans le jury du 50ème anniversaire» a déclaré Claude Lelouch lors de la clôture (très réussie, sans temps mort) marquée par les discours des différents membres du jury (oui, j’aime beaucoup les citations et j’aime beaucoup citer Claude Lelouch:)). Un beau moment que je vous propose de revivre en vidéo ci-dessous.

     Pour ma part, je vous donne rendez-vous prochainement à Deauville pour d’autres évènements (le Festival du Film Asiatique 2015 notamment mais peut-être d’autres, avant cela) et dans quelques jours au Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz dont Inthemoodforfilmfestivals.com est partenaire et pour lequel je vous fais gagner vos pass, ici. Et, ultérieurement au nouveau Festival de Cinéma et Musique de La Baule, du 20 au 23 novembre.

    Je vous laisse avec la citation (oui, encore une) d’exergue de mon roman « Les Orgueilleux » qui pourrait être une réponse à celle du film The disappearance of Eleanor Rigby citée en introduction de cet article et une illustration du théâtre des apparences, tantôt fascinant, tantôt pathétique, qu’est un festival de cinéma, bref une Comédie humaine, ce qui n’est pas pour déplaire à l’inconditionnelle de Balzac que je suis: « Beaucoup d’hommes ont un orgueil qui les pousse à cacher leurs combats et à ne se montrer que victorieux ». La Recherche de l’Absolu. Balzac.

    Merci à la Mairie de Deauville (notamment pour cette joyeuse soirée « avec » Sean Connery), à Cartier pour les belles soirées étoilées dans son incontournable villa, au Public Système ,  au CID pour les 27 pass mis en jeu ici, au photographe Dominique Saint pour ses belles photos « in the mood for Deauville ».

     Si vous avez aimé cet article et si vous aimez ce blog et si vous voulez qu’il soit mis en lumière, n’hésitez pas à voter pour lui aux Golden Blog Awards ( ici ou dans la colonne en haut à droite de ce blog). Un vote par jour par personne possible. Et n’hésitez pas à partager et à revenir voter. Merci!

    Toutes les photos et vidéos de cet article sont la propriété exclusive d’Inthemoodforfilmfestivals.com et ont été prises par Sandra Mézière. Retrouvez d’autres clichés du festival et de Deauville sur mon compte instagram (http://instagram.com/inthemoodforcinema ), sur mes comptes  twitter (@moodforcinema, @moodfdeauville, @moodforfilmfest) et sur mes autres blogs http://inthemoodlemag.com, http://inthemoodforhotelsdeluxe.com et http://inthemoodfordeauville.com .

     

     PALMARES DU 40ème FESTIVAL DU CINEMA AMERICAIN DE DEAUVILLE

    GRAND PRIX

    WHIPLASH DE DAMIEN CHAZELLE

    PRIX DU JURY

     THE GOOD LIE DE PHILIPPE FALARDEAU

    PRIX DE LA CRITIQUE INTERNATIONALE

     IT FOLLOWS DE DAVID ROBERT MITCHELL

    PRIX DE LA REVELATION CARTIER

     A GIRL WALKS HOME ALONE AT NIGHT DE ANA LILY AMIRPOUR

    PRIX MICHEL D’ORNANO

     ELLE L’ADORE DE JEANNE HERRY

    PRIX DU 40E

     THINGS PEOPLE DO DE SAAR KLEIN

    PRIX DU PUBLIC DE LA VILLE DE DEAUVILLE

     WHIPLASH DE DAMIEN CHAZELLE

  • James Cameron au Festival du Cinéma Américain de Deauville 2014

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    Quelques jours après l’annonce de l’hommage à John McTiernan, le Festival du Cinéma Américain de Deauville nous promet donc la présence d’un autre géant du cinéma américain, à savoir James Cameron à l’occasion de la sortie de DEEPSEA CHALLENGE 3D (au cinéma le 17 septembre) qui sera projeté en avant-première dans le cadre du festival, ce qui contribue d’ores et déjà à faire de ce Festival du Cinéma Américain de Deauville 2014 une édition d’exception.

    Voilà ce qu’a déclaré Bruno Barde, le directeur du festival, à l’occasion de cette annonce: « DEEPSEA CHALLENGE 3D ressemble à James Cameron par son audace, sa générosité et par son engagement à faire évoluer le regard du spectateur sur le monde. À travers son œuvre, il a, par l’émotion qu’elle suscite, éveillé les consciences tout en bouleversant et transformant le cinéma en une dimension de plaisir jusque-là inconnue. Il est juste que, pour ses 40 ans d’existence, le Festival du Cinéma Américain de Deauville honore ce cinéaste d’exception, en créant pour lui le Prix du Quarantième anniversaire. Ce Prix lui sera remis lors de la soirée du palmarès le samedi 13 septembre ».

     Pour l’ (exceptionnelle) occasion, je vous propose donc ma critique de « Titanic » avant celle de « Deepsea challenge 3D » que vous pourrez bien entendu lire ici en avant-première. En attendant, les prochaines annonces concernant le Festival du Cinéma Américain de Deauville 2014 dont je vous rappelle que son jury sera cette année présidé par Costa-Gavras et qu’il aura lieu du 5 au 14 septembre, retrouvez mes 40 bonnes raisons de venir au festival, en cliquant ici, et tenter votre chance au concours vous permettant de remporter vos pass pour cette 40ème édition, ici.

    Critique de Titanic 3D 2012  de James Cameron

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    Rares sont les films à s’être transformés en phénomènes de société. « Titanic » fait partie de ceux-là. 11 Oscars pour 14 nominations. 20, 7 millions d’entrées en France où il obtint le César du meilleur film étranger mais surtout un projet lui-même titanesque avec un budget de production de 200 000 000$ []qui a connu un succès mondial retentissant avec des recettes atteignant 600 788 188 $ aux Etats-Unis et 1 843 201 268 $ dans le monde entier.

    Evidemment, on se dit que ressortir le film 15 ans après, fut-ce (ou justement parce que) en 3D, relève de l’opération commerciale, de surcroit sachant que cela tombe l’année du centenaire du naufrage. « Titanic  en 3D » (en salles ce 4 avril, le naufrage a eu lieu le 14 avril 1912) n’est-il qu’une opération commerciale ? La 3D apporte-t-elle vraiment une valeur ajoutée à la version initiale ? 15 ans après, ce nouveau projet pharaonique qui a coûté 18 millions de dollars, nécessité 300 techniciens et 60 semaines de travail, rend-il le film  plus fascinant  ou n’est-il que de la poudre aux yeux?

    A la suite de la projection de cette version en 3D  j’avais eu le plaisir d’assister à une séance de questions réponses avec le producteur Jon Landau (vous pouvez d’ailleurs retrouver mes vidéos en bas de cet article) qui a notamment produit « Avatar » et « Titanic » et qui a également notamment été vice-président exécutif de la production de longs métrages chez Twentieth Century Fox. Surtout, son travail avec les meilleurs talents créatifs fait qu’il maîtrise parfaitement le processus de création qui a conduit à cette nouvelle « version ».

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    Southampton, 10 avril 1912. L’évènement est international. Le paquebot le plus grand et le plus moderne du monde, réputé insubmersible, le « Titanic » qui doit son nom à son gigantisme, appareille pour son premier voyage, une transatlantique en direction de New York. Quatre jours plus tard, il heurte un iceberg avant de sombrer dans les eaux glaciales de l’Atlantique.

     Jack Dawson (Leonardo DiCaprio), un artiste pauvre et libre comme l’air, gagne son billet de 3ème classe au poker et embarque in extremis. De son côté, en première classe, la jeune Rose DeWitt Bukater (Kate Winslet) embarque avec son futur époux, Caledon Hockley (Billy Zane), aussi emprisonnée dans les conventions et dans un avenir cadenassé que Jack est libre de toute entrave. Rose va tenter de se suicider en se jetant d’un pont du paquebot. Jack va la sauver. Ils vont tomber amoureux et vivre une histoire d’amour intense, éphémère et éternelle, au milieu du chaos.

    Des années plus tard, Brock Lovett coordonne une équipe de fouilles de l’épave du Titanic. Lors d’une plongée en sous-marin, il espère enfin retrouver le Cœur de l’Océan, un bijou inestimable, porté par Louis XVI. Le coffre-fort qu’il remonte des profondeurs ne contient qu’un dessin représentant une jeune fille nue portant le bijou.

    Une dame très âgée, Rose Calvert, découvre ce dessin à la télévision. Elle appelle Lovett en affirmant être la jeune fille en question…

    Il faut le dire d’emblée : le résultat est saisissant. Jamais encore la 3D ne m’avait semblée avoir cet impact (d’ailleurs, jamais encore la 3D ne m’avait semblée avoir d’impact tout court)… L’immersion est immédiate et l’émotion au rendez-vous. L’éclat de la photographie mais surtout la précision, le souci du détail nous fascinent et immergent immédiatement dans cette aventure tragique et romanesque. Une poupée de porcelaine. Une brosse. Un miroir brisé. Une chaussure. Un coffre…Tous ces objets qui flottent au milieu de l’épave semblent terriblement réels et rendent soudain particulièrement palpable et tangible l’humanité de la tragédie qui s’y est déroulée et de ceux qui l’ont vécue, et nous embarquent dès le début dans l’aventure bien que nous la connaissions par cœur.

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     La 3D n’est pas ici un gadget mais un véritable atout qui procure au spectateur de vraies sensations et émotions, que ce soit dans les premières scènes à Southampton au cours desquelles nous découvrons le paquebot et où nous avons l’impression d’être dominés par son gigantisme et sa majesté ou dans les scènes du naufrage. Quand le navire apparaît dans toute sa splendeur, nous oublions qu’il n’est déjà plus qu’une épave engloutie, pour embarquer et croire qu’il est réellement insubmersible. Quand, beaucoup plus tard, le paquebot se lève, comme un mourant émet son dernier râle, avant de sombrer à jamais, tout en rejetant ses passagers à la mer, quand le silence précède le terrifiant fracas, la scène nous glace d’effroi.

    Les scènes intimistes sont presque plus impressionnantes encore que les scènes à grand spectacle tant le spectateur a l’impression d’être un intrus, de s’immiscer dans une sphère privée, et pas seulement d’en être spectateur. Et lorsque les mains de Jack et Rose se frôlent et s’étreignent, ou lorsque Jack peint Rose dénudée, nous avons presque envie de retenir notre souffle pour ne pas les déranger, tant leur trouble irradie l’écran.

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     Grâce à la 3D, le danger, aussi, devient palpable, la somptuosité des décors ensuite ravagée est plus éblouissante encore, mais surtout la lâcheté, le courage, la beauté  nous happent et heurtent plus que jamais. La scène où Rose déambule dans les couloirs en cherchant de l’aide nous donne la sensation magique et inquiétante d’être à ses côtés, tétanisés par le danger, révoltés par la couardise de certains passages, et lors de celle où Jack et Rose s’enlacent et « volent », la sensation est étourdissante comme si nous virevoltions aussi.

    Si « Titanic » était déjà romanesque, flamboyant et spectaculaire, cette conversion le transforme en une expérience exaltante, vertigineuse et parfois effroyable grâce à la profondeur de champ et grâce au souci du détail qui sont alors flagrants (tasse de porcelaine ou vestiges du naufrage, tout semble, pas seulement exister sur l’écran, mais prendre vie sous nos yeux).

    L’intrigue n’a pas changé, aucune scène n’a été ajoutée ou modifiée. L’écriture presque schématique, voire dichotomique, est toujours aussi efficace. Les pauvres opposés aux riches. Le courage à la lâcheté. La raison à l’amour. L’insouciance à la gravité. La liberté de Jack opposée à l’enfermement de Rose. La clairvoyance de Jack opposée à l’aveuglement de ceux qui entourent Rose. Le silence de mort de la 1ère classe face à la musique et au rythme effréné de la gigue irlandaise dans la 3ème. L’éphémère et l’éternité qui ne s’opposent pas mais que réunit la catastrophe. Les sentiments y sont simples voire simplistes et manichéens mais tout est là pour nous étonner avec ce que nous attendons. Le mélange du spectaculaire et de l’intime, de la tragédie et de l’amour nous rappellent les plus grandes fresques (« Autant en emporte le vent » -ah, que serait l’incendie de Tara en 3D ?-, « Docteur Jivago ») ou histoires d’amour (« Casablanca », « Le dernier métro ») dans lesquelles la menace gronde (souvent la guerre) et renforce les sentiments alors confrontés aux obstacles (ici, la nature, la société). « Titanic » parvient à être à la fois un film catastrophe épique et une histoire d’amour vibrante sans que l’un prenne le pas sur l’autre, mais au contraire en se renforçant mutuellement. Un soufflé épique qui nous emporte contre notre raison même qui nous avertit de ces défauts comme certains personnages caricaturaux nous le rappellent comme l’égoïste, médiocre, odieux au possible fiancé de Rose ou comme une certaine outrance dans le mélodrame. Qu’importe ! Comme lorsque nous vivons une histoire d’amour, « Titanic » nous charme et nous envoûte, nous emporte dans cette aventure trépidante et nous rend sourds à notre raison.

    Avec la 3D, les traits de Leonardo DiCaprio et Kate Winslet que nous avons vus grandir apparaissent dans leur éclat et l’innocence de leur jeunesse, et les visages blafards qui flottent sur l’eau n’en sont que plus redoutables, en miroir de cette splendeur passée et si proche. Il est d’ailleurs injuste que, contrairement à Kate Winslet, Leonardo Di Caprio n’ait pas été nommé aux Oscars comme meilleur acteur. Si la première interprète l’impétueuse, passionnée, fière et lumineuse Rose avec vigueur et talent, Leonardo DiCaprio, sans doute incarne-t-il un personnage trop lisse pour certains (mais il prouvera par la suite à quel point il peut incarner toutes les nuances et des rôles beaucoup plus sombres, notamment dans « Shutter island » de Martin Scorsese ou récemment encore dans « J.Edgar » de Clint Eastwood), il n’en est pas moins parfait dans son personnage d’artiste vagabond, libre, faussement désinvolte, malin, séduisant et courageux. Dans le chef d’œuvre de Sam Mendes, « Les noces rebelles », Kate Winslet et Leonardo DiCaprio, réunis à nouveau, ont d’ailleurs su prouver qu’ils étaient de grands acteurs (aux choix judicieux), dans des rôles qui sont à l’opposé de leurs rôles romantiques de Rose et Jack.

    Alors, bien sûr, l’art c’est aussi de laisser place à l’imaginaire du spectateur et sans doute ce nouveau procédé est-il une manière de prendre le spectateur par la main, de lui dicter ce qu’il doit regarder et même éprouver, ce qui pourrait faire s’apparenter le cinéma à une sorte de parc d’attraction abêtissant mais ce tour de manège-là est tellement étourdissant que ce serait faire preuve de mauvaise foi que de bouder notre plaisir.

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    Ce « Titanic » 2012 permet de revisiter le film de James Cameron. Ou quand le cinéma devient une expérience au service de l’émotion, des sensations mais surtout du film et du spectateur. Vous aurez l’impression étrange et vertigineuse d’être réellement impliqués dans une des plus belles histoires d’amour de l’histoire du cinéma. Histoire d’amour mais aussi histoire intemporelle et universelle, d’orgueil, d’arrogance et de lâcheté, une tragédie métaphorique des maux de l’humanité, une course au gigantisme et à la vitesse au détriment de l’être humain et de la nature, qui fait s’entrelacer mort et amour, éphémère et éternité, et qui reste aussi actuelle et émouvante 15 ans après. Un film avec de la profondeur (dans les deux sens du terme désormais), et pas un simple divertissement. Un moment de nostalgie aussi pour ceux qui, comme moi, l’ont vu en salles il y a 15 ans et pour qui ce sera aussi une romantique réminiscence que de redécouvrir les amants immortels, « Roméo et Juliette » du XXème siècle, et de sombrer avec eux, avant de retrouver la lumière du jour et de quitter à regrets les eaux tumultueuses de l’Atlantique et cette histoire d’amour rendue éternelle par les affres du destin, et par la magie du cinéma.

    Le 4 Avril, plongez au « cœur de l’océan » et au cœur du cinéma… Achetez votre billet pour embarquer sur le Titanic (vous en aurez vraiment l’impression), je vous promets que vous ne regretterez pas le voyage, cette expérience unique, magique, étourdissante, réjouissante : définition du cinéma (du moins, de divertissement) finalement porté ici à son paroxysme! A (re)voir et vivre absolument.

    Retrouvez également ma critique de « Avatar » de James Cameron en cliquant ici.

     

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  • "Ma vie avec Liberace", Michael Douglas et Steven Soderbergh en ouverture du 39ème Festival du Cinéma Américain de Deauville

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    Avec un peu de retard, voici quelques mots sur le film d'ouverture "Ma vie avec Liberace" de Steven Soderbergh (je vous en reparlerai évidemment) et le récit de l'ouverture du festival alors que, depuis, les évènements se sont enchaînés (je ne manquerai pas, bien entendu, de vous les raconter prochainement):

     

    -les films en compétition, déjà 4 desquels se dégage une thématique commune, un personnage seul, blessé, fou même parfois, épris de vengeance, et des armes à feu omniprésentes

     

    - l'avant-première du dernier film de Woody Allen "Blue Jasmine" à l'occasion de l'hommage à Cate Blanchett (à nouveau, le cinéaste américain y fait preuve d'une étonnante jeunesse et modernité, et m'a surprise une fois de plus avec une film qui mêle ingénieusement légèreté et cruauté)

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    - l'avant-première du dernier blockbuster ("White house down" de Roland Emmerich) pour lequel il est fortement recommandé de laisser les neurones et son esprit critique au vestiaire sous peine de colère incontrôlable et constante, en présence de ses acteurs Jamie Foxx et Channing Tatum qui ont assuré le spectacle sur scène et lors de la conférence de presse

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    - mais encore l'avant-première du très réussi "Le Majordome" de Lee Daniels avec une salle, un acteur principal (Forest Whitaker, l'invité surprise de ce festival) et un réalisateur particulièrement émus.

     

    En attendant de vous raconter tout cela donc, et plus encore, retour sur l'ouverture de ce 39ème Festival du Cinéma Américain de Deauville.

     

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    C'est sous un soleil et les paillettes étincelants de "Ma vie avec Liberace" de Steven Soderbergh que s'est ouvert ce 39ème Festival du Cinéma Américain de Deauville. L'un comme l'autre nous ont éblouis et enthousiasmés après une ouverture mémorable grâce, notamment, à l'implication du président du jury Vincent Lindon qui, après les traditionnels discours du Maire de Deauville et de Lionel Chouchan, a tenu à faire un discours (ce qui n'arrive jamais habituellement, les présidents de jury, lors de l'ouverture, restant sagement assis sur leurs sièges) et à évoquer chacun des membres de son jury, ce qu'il a fait avec une rare élégance, avec beaucoup d'humour aussi, présentant chacun d'entre eux et livrant son admiration pour ceux-ci, évoquant également sa passion pour le cinéma américain ( se disant "amoureux du cinéma français et américain"), son bonheur ("fou de joie d'être ici") de présider le jury, terminant son discours avec autant d'humour qu'il l'avait commencé en évoquant son "homologue" Obama. Pour le plus grand bonheur des festivaliers (et le mien), il a d'ailleurs récidivé le lendemain lors de l'hommage à Cate Blanchett. Il n'en a pas non plus oublié de parler de son admiration pour Michael Douglas et pour Steven Soderbergh, réalisateur du film d'ouverture "que le monde entier devrait voir".

     

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    Le ton était donc donné. Cette 39ème édition sera sous le signe des paillettes mais aussi de la cinéphilie, de la bonne humeur, de l'enthousiasme, le tout sous un soleil presque irréel. L'irréalité est d'ailleurs une impression constante dans un festival, en particulier ici mais de cela je vous parle plus longuement et différemment ici et aussi là.


    Michael Douglas et Steven Soderbergh sont ensuite montés sur scène, le premier visiblement encore très ému et "éternellement reconnaissant" que le second ait attendu que son cancer soit guéri pour le faire tourner (ce qu'il a à nouveau répèté lors de la conférence de presse). L'enthousiasme était d'ailleurs visiblement contagieux vendredi soir: « Le festival du film américain, c’est le plus beau cadeau que la France a donné aux Etats-Unis après la statue de la Liberté. »

    "Ma vie avec Liberace" était sans aucun doute le film idéal pour une ouverture de festival. Une sorte de mise en abyme qui, au-delà d'une histoire d'amour, et le portrait d'un artiste exubérant et extravagant, est aussi le reflet de ce qui se passe derrière le candelabre (le titre anglophone "Behind the Candelabra" est d'ailleurs à mon sens beaucoup plus parlant) . Derrière les paillettes. Derrière l'écran. Derrière le masque de "The Artist".

    Michael Douglas incarne en effet ici Liberace un pianiste virtuose qui se mettait en scène autant sur scène que dans la vie "quotidienne". Un jour de l'été 1977, le bel et jeune Scott Thorson ( Matt Damon) qui aspirait à devenir vétérinaire, pénétra dans sa loge et, malgré la différence d'âge et de milieu social, les deux hommes entamèrent une liaison secrète qui allait durer cinq ans. "Ma Vie avec Liberace" narre les coulisses de cette relation orageuse, de leur rencontre au Las Vegas Hilton à leur douloureuse rupture publique.

    Le film est une adaptation du livre de Scott Thorson, "Behind the Candelabra". C'est Richard LaGravenese qui a écrit le scénario. Si ce nom ne vous dit rien, sachez qu'il est notmment l'auteur du scénario de "Sur la route de Madison".

    Le film commence dans un bar. Scott est de dos, face à un miroir. Toute l'intelligence de la mise en scène de Soderbergh réside déjà dans ce premier plan, lui qui sera avant tout un reflet pour le narcissique (et non moins fascinant) Liberace destiné à l'accompagner un peu dans la lumière, mais surtout dans l'ombre.


    Le film, finalement intimiste, va se centrer sur cette relation ambivalente (Scott sera pour Liberace son -énième- "protégé", son amant, mais il a aussi émis le souhait de l'adopter), sur ces deux personnages, à ce que la caméra les étouffe parfois comme cette relation exclusive. Il y a d'ailleurs très peu de scènes en extérieur, si ce n'est dans ou autour de la piscine située dans la propriété de Liberace. Nous voilà dans l'envers du décor qui en est lui-même un d'une scintillante excentricité et que n'aurait oser imaginer le plus fou des décoracteurs hollywoodiens.


    La réalisation de Soderbergh est fluide et éblouissante sans non plus chercher à nous en mettre plein la vue, ce qui aurait d'ailleurs été superflu et redondant puisqu'il met déjà en scène un homme qui se mettait lui-même en scène.

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    Michel Douglas (au regard tristement absent lors de la conférence de presse) incarne magistralement ce personnage atypique, narcissique, cruel (il se déclare ainsi "libre" suite au décès de sa mère), constamment en représentation, mais surtout enfermé dans son image, sa course contre le temps, contre la vérité aussi, jusqu'à faire perdre à Scott son visage, son identité pour satisfaire ceux qu'il s'était forgés. Il n'en est que plus bouleversant au dénouement, le visage et les émotions à nu. Sans masque. Sans paillettes. Sans miroir. Cette fin est d'autant plus bouleversante quand on sait l'épreuve que vient de traverser Michael Douglas mais aussi que Steven Soderbergh a déclaré que ce serait son dernier film. On se demande qui mieux que Michael Douglas aurait pu incarner ce rôle tant il est parfait, n'en faisant jamais trop (ce qui aurait été forcément une faute de goût, le personnage étant déjà lui-même dans l'excès), drôle, cruel, et parfois touchant, quand le masque tombe.

    Face à lui Matt Damon, pour sa septième collaboration avec Steven Soderberghn, après The Informant !, Contagion, Che, Ocean's Eleven, Ocean's Twelve, Ocean's Thirteen ! a ici un rôle qui, je l'espère, finira par faire taire ceux qui doutaient de son talent. Si son personnage est dans l'ombre, c'est en revanche lui qui, grâce à sa justesse, permet à Michael Douglas, de nous éblouir ainsi. Signalons aussi Rob Lowe est irrésistible dans le rôle du chirurgien esthétique

    Jugé "trop gay", le film n'a pas trouvé de distributeur aux Etats-Unis, et a donc été diffusé fin mai sur la chaîne HBO qui l'a produit, réalisant une audience record pour une production de la chaîne, avec 2,4 millions de téléspectateurs. "Je voulais faire un film qui (...) montre les progrès de l'espèce humaine, de notre pays, du monde entier, par rapport à cette question. Dans certains endroits, les unions entre personnes du même sexe sont aujourd'hui reconnues et admises. Etre gay n'est plus autant stigmatisé", a déclaré le producteur Jerry Weintraub. "Ma vie avec Liberace" n'est pas non plus un film militant mais avant tout une histoire d'amour, de masques qui tombent, de ce que dissimule le candelabre et ce visage qui cherchent à défier, masquer la vérité et le temps. En vain.


    Eblouissant et mélancolique, cette vie "derrnière le Candelabre" s'achève par un final rêvé par Scott, aussi déchirant de beauté et de tristesse que "La quête" de Brel qui l'accompagne. Poignant et étincelant. The show must go on. Celui du festival aussi.


    Je vous laisse pour d'autres découvertes cinématographiques, pour peut-être découvrir d'autres verités derrière la lumière éblouissante du soleil deauvillais et du "candelabre" festivalier avant de vous parler des évènements de ces derniers jours.