Arrivée à Deauville quelques jours avant l'ouverture, j'ai vu la petite ville qui m'est si chère se transformer peu à peu. Les "Union flags" ont progressivement fleuri un peu partout (sur les planches, dans les rues, sur les bâtiments), les tapis rouges ont commencé à orner les entrées des hôtels, des restaurants et bien sûr du CID où, comme chaque année, se déroule cette 41ème édition du Festival du Cinéma Américain.
La ville s'est alors transformée en un décor de film, (sous un ciel d'une beauté changeante et si cinématographique)n celui qui chaque année depuis 22 ans, me plonge dans une autre réalité, même une autre irréalité, même si cette irréalité nous donne à voir également les tourments du monde, notamment à travers les films en compétition dont les projections débutent ce matin.
Chaque année, j'éprouve cette douce et troublante impression que le temps s'arrête ou s'est accéléré pour que je reprenne le fil(m) là où je l'avais laissé un an auparavant, laissant cette frénésie étourdissante m'emporter et me griser.
Le coup d'envoi du festival a été donné hier soir avec, tout d'abord, les discours du Maire de Deauville, M.Philippe Augier, et par l'ambassadeur des Etats-Unis, Jane Hartley (qui a notamment évoqué le Festival de Deauville comme " le plus remarquable festival de films" exclusivement américains), récemment nommée, l'un et l'autre visiblement émus, et nous transmettant cette émotion en particulier, lorsque, cette dernière, faisant référence au thème des héros mis à l'honneur dans cette édition du festival, a évoqué ceux du Thalys à la remise de la légion d'honneur desquels elle venait d'assister.
Lionel Chouchan a ensuite rendu hommage à Keanu Reeves avant que, (comme le veut la tradition du festival, lorsqu'il est rendu hommage à un artiste) soient projetées des images de ses rôles les plus emblématiques: dans "My own private Idaho", "Dracula", "Matrix" et bien sûr dans le chef d'œuvre de Stephen Frears dont il est pour moi indissociable, l'acteur étant à jamais pour moi Danceny dans "Les Liaisons dangereuses" (1988).
Rappelons que, aujourd'hui, à 17H Keanu Reeves sera également présent sur la scène du CID pour l'avant-première mondiale de "Knock Knock".
Keanu Reeves a ensuite descendu l'imposant escalier du CID sur la musique de "Matrix". Dans un discours professionnel, teinté d'humour, il est revenu sur ses débuts, saluant avec émotion quelques personnes qui ont jalonné sa carrière.
Les deux jurys, le jury Révélation présidé par Zabou Breitman, et le jury "principal" présidé par Benoît Jacquot, ont ensuite été présentés.
L'équipe du film d'ouverture, "Everest" de Baltasar Kormakur, est ensuite montée sur scène avant la première du film qui a plongé les festivaliers dans une autre atmosphère bien différente (en 3D s'il vous plait)...glaçante!
Comme s'en enorgueillit son affiche, le film a été écrit "d'après une histoire vraie", voilà qui récuse d'emblée toute accusation éventuelle d'invraisemblance.
Le film de Baltasar Kormákur est en effet une adaptation du livre autobiographique "Tragédie à l'Everest" écrit par l'écrivain, journaliste et alpiniste Jon Krakauer. Le livre raconte, comment, en 1996, huit alpinistes réputés ont péri dans une redoutable tempête alors qu'ils effectuaient l'ascension de l'Everest. Krakauer avait ainsi été envoyé par le magazine Outside pour participer à cette expédition.
Inspiré d'une désastreuse tentative d'ascension de la plus haute montagne du monde, Everest suit deux expéditions distinctes confrontées aux plus violentes tempêtes de neige que l'homme ait connues. Luttant contre l'extrême sévérité des éléments, le courage des grimpeurs est mis à l'épreuve par des obstacles toujours plus difficiles à surmonter alors que leur rêve de toute une vie se transforme en un combat acharné pour leur salut.
Si l'effet est indéniablement réussi au point de nous faire éprouver le vertige et une véritable sensation de peur et la conscience de notre petitesse face à la force redoutable, irréfragable, destructrice des éléments, si le film est incontestablement spectaculaire, il souffre en revanche d'un scénario conventionnel et convenu et/ou d'un montage qui sacrifie les personnages les plus intéressants et qui, surtout, en oublie certains en cours de route à commencer par Krakauer lui-même qui pose la question la plus intéressante aux alpinistes (pourquoi faites-vous cela?) à laquelle le film, ne voulant pas heurter la sensibilité des victimes et des survivants, ne répond jamais vraiment.
C'est pourtant l'aspect le plus intéressant du film: pourquoi ces hommes et ces femmes ont-ils besoin d'affronter et même de défier la mort? Eprouver leurs limites? Se sentir vivants? Il passe aussi à côté d'une réflexion sur l'exploitation de la nature par l'homme (à ce propos, ne manquez pas "La glace et le ciel" de Luc Jacquet) que laissait d'ailleurs présager ce choix symptomatique de la 3D (tout comme les alpinistes veulent éprouver toujours plus de sensation, le spectateur devient un consommateur à qui il en faut toujours plus pour ressentir des émotions que les mots et les images devraient suffire à susciter).
Un bon divertissement, idéal pour l'ouverture, qui passe néanmoins à côté de la passionnante réflexion à laquelle il aurait pu donner lieu, en raison d'une volonté délibérée d'absence de point de vue. Mais si vous voulez faire un voyage éprouvant et vertigineux sur le plus haut sommet du monde alors le voyage est fait pour vous...
Le film sortira en salles en France le 23 septembre 2015
Je vous laisse, en route, non pas pour l'Everest mais pour une journée bien chargée qui commence par le premier film en compétition de cette édition, "99 homes" et qui s'achèvera par l'avant-première très attendue de "Life".
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