Cet article sera prochainement complété notamment par les critiques des films cités.
Hier soir était annoncé le palmarès du 16ème Festival du Film Asiatique de Deauville couronnant une sélection de très haute qualité. 10 films et autant de regards, toujours singuliers et passionnants, sur des visages, souvent sombres (voire très sombres) des pays asiatiques dans tous leurs Etats et états. Corée du Sud, Inde, Chine, Philippines, Kazakhstan, Indonésie, Japon, Iran…Autant de pays différents esquissés et traversés en deux jours et pourtant, partout, un commun désarroi. De forts personnages féminins souvent broyés par l’existence, par leurs mères, par les hommes (beaucoup de viols, de suicides aussi), sans (re)pères, une police souvent incompétente et corrompue. Des sujets sensibles traités avec plus ou moins de délicatesse, et rarement de l’espoir au bout du chemin. Des réalités suffocantes dans lesquelles la mort devient alors presque une alternative joyeuse. La seule.
Carton plein pour le film du Coréen Han Gong-Ju (qui sortira en avril sous le titre "A Cappella") qui a reçu le prix du jury ex-aequo, le prix de la critique et le prix du public. Le bouleversant "Nagima" (mon grand coup de cœur de cette édition) a reçu le grand prix (Lotus du meilleur film) à l'unanimité du jury. Enfin, le film indien "Ugly" a reçu le prix du jury ex-aequo. Trois films à la fois différents dans leurs origines (Kazakhstan, Inde, Corée du Sud), traitements (scénaristiques et visuels) et similaires en ce qu'ils mettent en scène des femmes, voire des jeunes filles, aux destins tragiques, souvent malmenées par la société et les hommes.
« Han Gong-Ju » avait déjà reçu l'étoile d’or du Festival de Marrakech, un film dérangeant par le traitement de son sujet sordide (un viol collectif), raconté en flash-backs, un pseudo-suspense, procédé à mon sens malsain pour rendre compte d’un drame terrible, avec un manque de sobriété dans le traitement donc et un peu trop de manichéisme aussi (les hommes du film représentent l’animalité et la lâcheté même si un personnage féminin, celui de la mère, n’est pas non plus épargné). Dommage car l’intention, même si trop visible, était noble : rendre hommage aux victimes obligés de se conduire comme des coupables. Un magnifique personnage féminin néanmoins, lumineux malgré l’horreur vécue, porté par une interprétation exemplaire. L'histoire d'une renaissance qui a bouleversé les jurys et festivaliers.
L’Indien « Ugly », bien éloigné des clichés bollywoodiens, dresse, quant à lui, un portrait sans concessions d’une société indienne patriarcale, misogyne et surtout d’une police corrompue. Un thriller maîtrisé teinté de critique sociale . Ce film a le mérite de montrer un autre visage de l’Inde et de réussir à nous tenir en haleine du début à la fin. Cette violence sociale est entrecoupée de quelques scènes tristement saugrenues et burlesques pour dénoncer la bêtise de la police.
Quant à « Nagima », Zhanna Issabayeva y raconte l’histoire d’une jeune femme abandonnée à la naissance et placée dans un orphelinat. Un rare sens du cadre. Une photographie sublime à l’inverse du sujet, d’une ineffable dureté. De ce contraste émane une grâce inattendue, remarquable et poignante. Un film à la fois pudique et sans concessions avec un dénouement particulièrement fracassant, d’une fureur et d’un désespoir déchirants pour raconter les affres du destin (ou de l’absence de destin) d’une vie terriblement ordinaire.
Le jury présidé par Claire Denis, entourée de René Bonnell, Samir Guesmi, Florence Loiret-Caille, Gilles Marchand et Roxane Mesquida a décerné les prix suivants :
LOTUS DU MEILLEUR FILM - Grand Prix
NAGIMA de Zhanna Issabayeva (Kazakhstan)
LOTUS DU JURY - Prix du Jury ex-aequo
UGLY de Anurag Kashyap (Inde)
& HAN GONG-JU (A Cappella) de Lee Su-jin (Corée du Sud)
Le jury de la critique a décerné le prix suivant:
LOTUS AIR FRANCE - Prix de la Critique
HAN GONG-JU (A Cappella) de Lee Su-jin (Corée du Sud)
LE PRIX DU PUBLIC DE LA VILLE DE DEAUVILLE
HAN GONG-JU (A Cappella) de Lee Su-jin (Corée du Sud)