Ce jeudi débutait la compétition officielle avec au programme un film coréen, un film taïwanais et un film japonais. Le film coréen, un premier film intitulé « Beautiful » est une idée originale de Kim Ki-Duk, pourtant très éloignée de la poésie enchanteresse de « Printemps, automne, hiver et printemps » et « Locataires ». L’idée en elle-même (voir pitch ci-dessous dans la note consacrée aux films en compétition) était plutôt prometteuse mais la réalisation se révèle plate et insignifiante alors que justement avec un tel sujet il aurait été intéressant d’établir un parallèle ou au contraire un contraste entre le fond et la forme. Il semblerait plutôt que le réalisateur, Juhn Jaihong, se soit acharné à créer un contraste des plus saisissants entre le titre et le traitement de l’idée originale tant l’image de l’homme, de l’Homme aussi, y est lugubre, simpliste, nauséeuse, caricaturale, irréversible (terme employé à dessein, mais au moins, le film éponyme présentait une tentative d’originalité dans sa construction). Il est de, rares, sujets qui s’accommodent mal du second degré, transformant l’humour noir en plaisanterie vaine et sinistre, c’est le cas de ce « Beautiful » au titre délibérément ironique, voire cynique, (la jeune femme qui se fait violer est accusée par la police d’agresser avec sa beauté et donc d’être responsable, le policier qui semble un moment vouloir la protéger adopte bientôt le même comportement obsessionnel que le violeur) au regard du contenu du film. Le discours à peine esquissé et finalement passant au second degré sur le rapport au corps : la volonté de le nier puis de l’exhiber, aurait pourtant pu être intéressant, mieux et vraiment traité. Un film qui tend vers un seul objectif : déranger le spectateur, n’être pas politiquement correct, avec tellement d’obstination ostensible qu’il en devient ridicule. Son esthétique finale de jeu vidéo renforce cette impression, sans davantage sembler être au service d’un propos. N’est pas Gus Van Sant qui veut…
Heureusement le film suivant, un film taïwanais intitulé « Keeping watch», également un premier film réalisé par une jeune femme, Fen Fen Cheng, aux antipodes du précédent, est une sorte de conte poétique sur l’histoire d’amour entre une jeune fille abandonnée par sa mère, qui vit seule avec son père et qui travaille à réparer des montres et un jeune homme atteint d’un dédoublement de la personnalité qui se fait passer pour un ami d’enfance dont elle apprend bientôt qu’il a en réalité « disparu ». Si dans le premier cas, le titre résumait toute la vacuité du film, ici il est le témoignage de la densité et la polysémie de ce film dans lequel on répare les montres et on voudrait retenir le temps, dans lequel on crie son nom pour se sentir exister et pour donner du poids à son âme, dans lequel les couleurs pastels et acidulées des aquarelles qui créent des transitions entre différentes séquences, soulignent la distance entre la réalité et sa perception. Au contraire de son sujet, c’est un film tendre et lumineux, dans lequel on ne meurt pas mais disparaît, dans lequel les âmes s’envolent et reviennent, une valse allégorique qui fait danser les regrets et les sentiments, une bouleversante et exquise esquisse. Un scénario et un montage habiles au service d’un film dont la douceur du rythme et des couleurs contraste avec la force de son sujet et de son dénouement : allégorique et poignant. Mon premier coup de cœur de ce festival.
Quant au film japonais intitulé « Funuke show some love, you losers » de Yoshida Daihachi : si ses deux heures s’avèrent interminables, ses petites touches d’humour qui, à défaut de nous faire rire, font parfois sourire, l’interprétation remarquable de Sato Eriko, et l’esthétique plutôt réussie inspirée des mangas les rendent néanmoins supportables.
La soirée s’est terminée par un double hommage : le premier a été consacré au compositeur japonais Joe Hisaïshi (« Porco Rosso », « Sonatine », « Hana Bi, « Le petit poucet », « Le mecano de la général », « Le soleil se lève aussi »…). Le second hommage a été consacré à un autre Japonais : le célèbre et remarquable comédien Kôji Yakusho dont vous ignorez peut-être le nom mais avez certainement eu l’occasion d’admirer l’une de ses compositions. C’est notamment lui qui jouait dans « L’Anguille » d’Imamura, palme d’or au Festival de Cannes en 1997. De nombreux films dans lesquels il a joué ont ensuite été sélectionnés dans des festivals internationaux comme « Eureka » d’Aoyama (2000) ou « De l’eau tiède sous un pont rouge » de nouveau signé par Imamura, en 2001. Vous avez également pu le voir dans « Babel » (un film dont je vous avais longuement parlé lors du Festival de Cannes 2006, un film pour lequel Alejandro Gonzalez Inarritu a remporté le prix du meilleur réalisateur).
-Voir vidéos et photos des hommages dans l’article ci-dessous.
A suivre : Je vous parle bientôt de mes deux autres coups de cœur de la compétition : « The red awn » du Chinois Cai Shangjun et surtout « With a girl of black soil » du coréen Jeon Soo-il dont il ne serait pas étonnant qu’il figure au palmarès…