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« L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford » : projection et conférence de presse du sublime western psychologique de Andrew Dominik

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La conférence de presse

L’assassinat de Jessie James par le lâche Robert Ford. Voilà qui résonne comme le titre d’un film de série B. Voilà qui est tout sauf un film de série B. Un film majeur, sublime, singulier, qui m’a enthousiasmée et captivée comme rarement je l’ai été cette année au cinéma. Mais avant d’en revenir au film et à sa projection :  petit flash back sur la conférence de presse qui s’est déroulée auparavant, du moins est-ce ainsi qu’on appelle ce curieux rituel  qui la veille avait eu des allures d’empoignade qui cet après-midi avait des airs d’évènement. L’atmosphère est électrique dans la foule des journalistes, tous médias prestigieux qu’ils représentent, certains s’étant vus refusés la veille l’accès à la conférence pour «  Michael Clayton ». Le sésame indispensable  est apparemment cette fois gris. La hiérarchie festivalière qui ignore toute démocratie (la démocratie s’arrêterait-elle à l’entrée d’une salle de presse ?) est parfois obscure.  Nous entrons par quatre.   J’entre. Un garde du corps, épuisé, nous toise d’un regard méprisant. Les CRS entourent la salle de conférence. Allons-nous voir un lion en cage ? Nous voilà en tout cas enfermés avec lui dans le zoo. Un lion traqué plutôt. Après la décontraction et le professionnalisme de Michael Douglas, les excès d’enthousiasme du  non moins charismatique George Clooney, Brad Pitt est visiblement tendu, sur la défensive, (on le serait à moins…) distribuant ses sourires avec parcimonie. Exténué sans doute, la traque a paraît-il commencé dès le début de l’après-midi, dès l’aéroport, puis à l’hôtel Royal. Ne jamais baisser la garde. Comme Jessie James. Véritable métaphore de sa propre existence. Brad Pitt est parfois craint parce qu’admiré. Jessie James est admiré parce que craint. Mais leurs célébrités, certes si dissemblables dans leurs causes, les enferment dans une pareille solitude, méfiance, les condamne à être constamment aux aguets, à l’affût d’un regard perfide, d’une attaque imprévue, à être coupés de la vie. Ils sont deux victimes de personnes aspirant à la célébrité « sans savoir pourquoi, croyant qu’ils vont ainsi devenir de meilleurs humains » ajoute Brad Pitt. Ils provoquent tous deux des bagarres d’un genre certes différent, l’un entre des vautours d’un genre nouveau (à l’aéroport, donc), l’autre entre ceux qui veulent sa tête, d’une autre manière ( dans des plaines gigantesques).  Deux êtres, finalement et évidemment humains, dont on a voulu faire des légendes.  Et la même lassitude, alors compréhensible, semble s’être emparée d’eux. La conférence de presse débute par l’évocation de la complexité du film, à l’image des films des années 1970 qui « prenaient leur temps ». La première version faisait ainsi 4H30. Celle-ci fait 2H35. Rassurez-vous : vous ne les verrez pas passer.  Mais cette similitude entre sa propre existence et le personnage de Jessie James n’est certainement pas la seule raison pour laquelle Brad Pitt a choisi de produire ce film sur le célèbre hors-la-loi et de l’incarner.

A une question sur « L’homme qui tua Liberty Valance » de John Ford, Andrew Dominik avoue qu’il ne l’a pas vu et Brad Pitt répond que lui l’a vu mais que, contrairement au film de Ford, celui d’Andrew Dominik, raconte davantage la véritable histoire de Jesse James  que la légende. Brad Pitt  précise que lorsqu’il choisit de s’investir dans un projet, il ne réfléchit évidemment pas pour savoir si le film aura du succès ou non. Ce qui compte surtout pour lui c’est « l’histoire et les gens qui travaillent sur un projet ». Il évoque aussi sa société de production « Plan B », dont il avoue que le nom n’est pas trop inspiré (inspiré par son prénom et celui de l’autre cofondateur qui s’appelait également Brad) parce que souvent il voyait des films qui n’aboutissaient pas comme il l’aurait souhaité.  A Casey Affleck, un journaliste demande s’il considère davantage son personnage comme un traitre ou une victime. Casey Affleck répond qu’il est « les deux et bien d’autres choses ». L’intérêt du film et leur implication dans celui-ci résulte selon eux avant tout de  son absence de manichéisme. Les films projetés depuis le début du festival ( à l’exception du film en compétition ce matin « For your consideration » qui a tenté de dire maladroitement ce que Marc Fitoussi a exprimé si justement avec « La vie d’artistes » mais revenons à  nos moutons, lions) dénotent d’ailleurs  une exigence scénaristique, une complexité, bien loin des standards caricaturaux hollywoodiens. Quelqu’un demande à Casey Affleck si c’est un avantage ou un inconvénient d’être le frère de Ben Affleck.  Il répond, visiblement agacé, que cela permet qu’on lui pose de telles questions… Probablement pour la énième fois. Puis, il répond avec humour qu’il a pu « le jeter au requin » et voir avant d’y être lui-même jeté, l’effet que cela produit. Pour l’équipe, ce film est un conte de fée, ce que reflètent les images floues et donc tordues de la réalité, comme vues par le prisme  d’un daguerréotype.  La conférence de presse s’achève et en entendant ces questions relativement banales, je ne me doute pas encore que je vais voir ce film inoubliable, captivant  et si novateur. Nous sommes enfermés dans la salle de conférence quelques minutes avant de pouvoir sortir pour que le public ne s’y engouffre pas et que Brad Pitt puisse repartir tranquillement pour se réfugier, se reposer loin des traqueurs carnassiers.

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La projection au CID : un western psychologique

D’abord il est difficile de définir ce film qui reprend certes les codes du western mais qui les détourne majestueusement. Tout comme le titre nous donne une fausse piste. Evidemment il s’agit bien de l’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford. Mais au final, peut-on parler d’assassinat ? Ou d’une bête traquée qui, lasse ou provocante, défie la mort ? Peut-on parler de lâcheté à propos de Robert Ford ? Ce titre, finalement très brillant et loin d’être anodin, évacue d’emblée ce que nous savons déjà parce que l’intérêt est ailleurs. Et si ce film renouvelle le genre, c’est parce qu’il instille la psychologie, aux antipodes du manichéisme habituellement érigé en principe du western.  Les héros sont aussi vulnérables.  Ils ne sont pas invincibles. C’est en effet un duel psychologique palpitant. Une lutte entre deux hommes. Une lutte interne pour chacun d’eux aussi. Robert Ford partagé entre sa vénération pour Jesse James et son désir de gloire de cet homme érigé en héros qu’il vénère autant qu’il désirerait prendre sa place.  Entre l’adoration et la haine.  Entre l’innocence, l’arrogance et  l’ambition. Finalement si proches et peut-être si indissociables. Qui peut mieux haïr que celui qui a le plus adulé. La passion est versatile dans ses excès. Jesse James  est en proie  à ses démons. Robert Ford idolâtre Jesse James. Jesse James lui demande un jour s’il veut « être lui » ou « être comme lui ». La passion, elle aussi, elle surtout,  a des raisons que la raison ne connaît pas.

Quelques plans font songer à « La prisonnière du désert » et pourtant ce film ne ressemble à aucun autre. La course des nuages que le réalisateur filme à l’envie et par lequel débute le film nous fait d’abord craindre un film caricatural. Il annonce simplement la poésie de ce film imprégné d’une lumière crépusculaire. Les interprétations parfaites et même impressionnante de Brad Pitt et Casey Affleck ajoutent à l’intensité de ce film magistral. Notre respiration est suspendue. Tout peut basculer d’un instant à l’autre. Le doute s’immisce dans les esprits. Le lion peut rugir à tout instant. Un regard qui se brouille. Une agitation inhabituelle. Rien ne lui échappe. C’est d’une intensité hitchcockienne. Voilà, c’est un western hitchcockien, un western d’auteur. Rien n’est superflu.

Ce film est l’histoire d’une légende qu’en interprète une autre. Un film d’une grande modernité qui renouvelle le genre. Un western qui s’appréhende comme un thriller psychologique. Une œuvre sombrement poétique et mélancolique, lyrique. Un voyage dans des âmes tourmentées et complexes. Un grand film d’une rare richesse psychologique et d’une grande beauté formelle. Qui nous parle d’un monde qui a fait d’un criminel un héros. Qui nous parle aussi du nôtre. Qui fabrique des légendes.  Des lions en cage, celle de leur âme, celle que leur fabriquent ceux qui les traquent, impitoyablement, inlassablement. Un conte de fée des temps modernes. J’y reviendrai avec le recul et le temps nécessaires pour vous en parler parce que ces quelques lignes sont trop courtes et réductrices pour évoquer ce film unique qui me donne finalement l’impression d’avoir accompagné la course des nuages dans leur voyage sombrement poétique d’une beauté et d’une profondeur indicibles  et tellement magique.

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Le festival  a 33 ans. C'est une renaissance. Il a connu une effervescence comme je n'en avais pas vu ici depuis ses 25 ans. Voici quelques vidéos (pardon pour la qualité des images filmées avec un appareil photo...) qui vous permettront de juger par vous-mêmes...









Sandra.M

Commentaires

  • Coucou Sandra,
    je viens de lire ta critique et elle est d'une justesse incroyable. Tu as trouvé les mots juste pour qualifier le film: c'est un western psychologiste mettant en scène à la fois l'antagonisme des caractères de Robert Ford et de Jesse James et leurs similitudes. Chacun rongé par par leur propre démon: la dépression pour l'un et le désir de reconnaissance pour l'autre. Mais je réduis beaucoup là. C'est effectivement un western qui emprunte les codes du genre en les détournant et en offrant d'autres thèmes comme la notion de culpabilité. Ce film modifie ainsi l'image du héros westernien - le cowboy - (qui avait été érigé par le célèbrisssime John Wayne) en révèlant ses félures. De lacheté, il en est beaucoup question (ne serait-ce que par le titre) car il s'oppose à la notion de courage (un des aspects du caractère du cowboy). En effet, les scènes de rixe ne ressemblent pas à un ballet orchestré sur la grande rue; l'un face à l'autre, silence de plomb et momet de tension, appuyés par des gros plans de regard. Non, ce n'est pas ça. C'est en privé et par un coup dans le dos qu'on règle ses comptes. (Est-on proche de la réalité? De celle de l'époque? Qu'importe!)
    Ce film ne ressemble à aucun autre western. Il est unique. Il y a encore beaucoup de choses à dire mais je m'arrête là car je vais dévoiler tout le film et regretter d'en avoir trop dit. Ce film est d'une poésie. Je me suis laissée envoùter par ce film. je le recommande à tous les amateurs de western et de cinéma. J'espère que ce film relancera le genre. Ciao

  • ton article donne envie de courir voir ce western aparemment singulier.
    Juste un mot pour remercier Pascale par ton intermédiaire, je n'arrive pas à lui laisser de messages sur son blog, merci pour son appréciation de mes photos, bravo pour son blog, très riche, et je suis d'accord avec elle pour "Haispray", ce film est un enchantement, on en ressort avec un vrai plaisir , c'est pas si fréquent malgré tout!, c'est un vrai bonbon de cinéma! et plein de tendresse aussi avec notamment la scène de danse entre Travolta et Walken!
    A plus!

  • j'ai vu les photos de BRAD ET ANGELINA à Venise et Deauville, franchement ils étaient plus beaux à Cannes, là Angelina a l'air anorexique et Brad est à peine rasé!
    En fait tout çà pour avoir moins de regrets de pas les avoir vu à Deauville!
    Bonne suite!

  • Merci pour ce résumé le film a l'air passionnant!!j'étais presénte j'atendait aux barrières come tu m'avais dis pr apercevoir!je n'ai pas été décue!!!j'ai vu Brad , très sympathique et surtout Angie, ravissante et j'ai même eu un autographe et pris des photos!!
    d'aileurs je t'ai apercue quand tu es passé sur le tapis rouge pr rentrer dans la salle:!!!hihi

    @georges
    je ne l'a trouve pas anorexique, elle a toujours été comme ca..elle parait beaucoup plus maigre sur les photos en vrai après c'est mon avis.

    Merci sandra et encore bon travail pour ton blog et les films à voir.
    Bonne continuation
    Virginie

  • Sandra, nous sommes collègues sur la même plate-forme mais moi mon truc c'est plutôt la course automobile ancienne. Malgré tout je viens au Festival de Deauville depuis 1983, chaque année.
    Au fait, bravo pour ton classement sur Wikio... 16e en catégorie cinéma, c'est pas mal !

    Amicalement.

  • ce festival est devenu un festival pour vips et méprise le public je n'y viendrais plus. Sandra comment fais-tu j'ai cru te voir presque tous les soirs sur le tapis rouge?

  • @ Denise: je ne me remets toujours pas de ce film! Allez à nous deux on va bien augmenter le nombre d'entrées (qui risquent d'être compensées par ceux qui se sont endormis...bah oui, il y en a qui ont trouvé le moyen de s'ennuyer!!)
    @ Georges : je transmettrai à Pascale mais elle est souvent de passage, je crois qu'elle lira...
    @ virginie: contente que mes conseils aient pu te servir. Bonne fin de festival! Et le film est plus que passionnant!
    @ Mémoire des stands: ah...en course automobile je suis (un tout petit peu) moins calée qu'en cinéma...
    @ Lorine: mon accréditation me permet d'avoir des invitations pour les séances du soir mais un pass public c'est également possible d'en avoir de temps en temps avec un peu de patience... Je te trouve sévère avec le festival. Pour ma part, je trouve que c'est la meilleure édition...

  • Poulala...
    Et elle sort quand cette merveille (ayé, j'ai vu... c'est le 10 octobre...) ???
    Moi qui suis née "dans" et avec le western (enfin j'me comprends), je trouve que c'est un genre qui se renouvelle toujours et offre des surprises et des films inoubliables.
    J'adore la façon de "vieillir" de Brad, sans chichi. La quarantaine lui va bien et c'est un vrai "cow boy" je trouve !!!
    La façon dont tu parles du film, de la nature, de la poésie, de la psychologie... cela m'évoque Terrence Malick et le "Deadman" de Jim Jarmush.

    Si GEORGES repasse par là... qu'il sache que TOUS ses messages sont bien arrivés chez moi... Il faut s'armer de patience car il y a toujours un délai (que je ne maîtrise pas) entre l'écriture et la parution... Désolée de te faire servir d'intermédiaire Sandra...

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