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IN THE MOOD FOR DEAUVILLE 2025

  • Festival du Cinéma Américain de Deauville 2024 - Conversation avec James Gray

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    Un des évènements de cette 50ème édition auquel il était pour moi impossible de ne pas assister était la conversation avec James Gray animée par Gaël Golhen. En sep­tembre 1994, le cinéaste américain marquait les festivaliers deauvillais avec Little Odessa pour lequel le festival lui avait décerné le prix de la critique internationale.

    Depuis, son œuvre singulière l'a imposé comme un des cinéastes majeurs du cinéma américain, en seulement 8 longs métrages, toujours à la frontière entre cinéma de studio et cinéma indépendant.

    Récemment, il était venu présenter à Deauville Armageddon time dont je vous avais dit, ici, tout le bien que j'en pensais.

    L’intégralité de sa fil­mo­gra­phie est éga­le­ment pro­je­tée pen­dant le festival.

    Voici quelques extraits de cette passionnante master class lors de laquelle il a évoqué Alain Delon, Donald Trump, et évidemment sa propre filmographie :

    « On demande tout le temps aux artistes de résoudre des échecs sociaux ou politiques mais notre rôle est de communiquer la beauté, ce qui transcende tout cela. Transcender la réalité. »

    « La beauté pour moi, c'est Gene Hackman, il faisait voir son âme, il offrait son âme et c'est cela qui faisait apparaître la beauté dans son jeu. »

    « Pour moi, dans le monde industriel, les sociétés modernes, il y a un autoritarisme dangereux, on regarde l'économie le pays va bien, il y a des types affreux qui monopolisent la parole. Le problème vient du déclin de la religion, cela a créé un vide. On demande à des artistes de remplir ce vide. Beaucoup de gens sont en colère qu'ils n'arrivent pas à verbaliser. Le cinéma est important pour faire passer un message d'authenticité, des sentiments plus que de la vérité. »

    « Les films de super héros sont des films comme Mac Do, on les consomme très vite et oublie très vite. Alain Delon donne envie de trouver le milieu entre le grand spectacle d »connecté de la réalité et l'authenticité. Transcender tout cela pour faire voir d'une autre manière la laideur qui nous entoure. »

    « Pour moi, cinéma américain et français ne sont pas antinomiques. Dans les studios américains, à une certaine époque les réalisateurs étaient nés en Europe et ont émigré aux États-Unis donc ces cinéastes avaient une sensibilité européenne et l'esprit le poids de l'histoire. »

    « Au moment du covid, j'ai eu envie de lire des choses que je n'avais pas lues et de redécouvrir les 7 grandes pièces de Sophocle dont Ajax qui, bien que très ancienne, est complètement d’actualité, elle parle d'une confrontation honnête avec le conflit qui existe dans nos âmes. Elle demande d'aimer les humains pour leurs défauts et pas sûrement leurs qualités. Le rôle d'un artiste est de faire aimer les humains pour ce qu'ont de plus imparfait. »

    « L'artiste doit trouver une corrélation objective arriver à étendre notre sens de l'empathie pour les personnages. Faire voir un conflit interne. »

    « Si vous enlevez la musique de Delerue, Le Mépris ne serait pas la moitié du film qu'il est. »

    « Parfois j'échoue. Le genre est simplement une porte d'entrée dans un système narratif. J'utilise le genre pour parler d'authenticité. Le genre me permet de m'exprimer au-delà de certains codes. Le Mépris transcende toutes les règles établies, il y a beaucoup de détails qui comptent. Si on retire la musique de Delerue on se rend compte que le film n'est plus que la moitié de ce qu'il est. »

    « Je considère l'opéra comme le plus grand moyen d'expression artistique qui existe. Des grands auteurs d'opéra comme Puccini ou Verdi ne sont pas contraints par le poids du réalisme.  Je ne suis pas un fan d'opéra depuis le tout début. J'y suis arrivée à 25ans, 30ans. Je m'en suis servi dans The Yards. J'ai voulu atteindre cette sincérité. Pour moi l'opéra était une grande source d'inspiration. La Traviata de Verdi : moi Verdi a voulu inclure tout l'éventail des émotions humaines. »

    « J'aime le blues, le jazz, le rock jusqu'à 1985, les débuts du hip hop. J'aime un peu tout. »

    « Pour moi Trump violé tous les principes et idées qui sont miennes. C'est l'exact antithèse de ce pourquoi je vis. »

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  • 51ème Festival du Cinéma Américain de Deauville, premières informations : l'affiche et Golshifeth Farahani présidente

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    En ces jours assombris par une actualité particulièrement anxiogène, le Festival du Cinéma Américain de Deauville, avec l’affiche de sa 51ème édition, nous invite à croire à un horizon plus ensoleillé et à plonger dans le rêve californien. Retour en images sur la 50ème édition qui a entrelacé le cinéma indépendant et la flamboyance d’un cinéma plus grand public. Une alliance magique, source de la singularité de ce festival, si bien symbolisée par les présences de James Gray et Francis Ford Coppola.

    L’édition 2024 fut particulièrement marquante pour les 60000 festivaliers venus célébrer le 50ème anniversaire du festival. Il y eut ainsi :  la passionnante master class de James Gray, un hommage à deux figures du cinéma récemment disparues, indissociables de Deauville, Anouk Aimée et Gena Rowlands, Michael Douglas récipiendaire d’un prix d’honneur, Natalie Portman qui reçut son Deauville Talent Award des mains d’Isabelle Adjani, des « prix du Nouvel Hollywood » décernés à Daisy Ridley, Mikey Madison et Sebastian Stan, des Premières prestigieuses (La plus précieuse des marchandises, Anora, All we imagine as light, Lee Miller, Megalopolis), l’émotion communicative de Coppola, la présence des anciens présidents du jury…

    Comme chaque année, le prix d'Ornano-Valenti fut un des temps forts du festival, cette année attribué à Rabia de Mareike Engel­hardt. Comme chaque année également, la compétition a recelé des petits bijoux, explorant l’incommunicabilité d’une Amérique déboussolée, la violence dans les rapports familiaux et sociaux, et la quête d’un espoir souvent inaccessible. Mon coup de cœur, le délicat et poignant Color Book de David Fortune, a reçu du Prix de la Critique. Dans un élégant noir et blanc, il sublime un voyage père/fils aux accents d’adieu à la mère décédée, pour voir, enfin, étinceler l’avenir.

    « On demande tout le temps aux artistes de résoudre des échecs sociaux ou politiques mais notre rôle est de communiquer la beauté, de transcender la réalité » a déclaré James Gray lors de sa master class. Transcender la réalité et la relater, c’est une symbiose à laquelle parvient magistralement ce festival depuis 50 ans, éclairant ainsi les ombres, les élans et les magnificences des êtres et de la société américaine.

    Une cinquantième édition fabuleuse dont je suis repartie avec cette phrase résonnant tel un air entêtant, à l’image du film dont elle est issue (La plus précieuse des marchandises), d’une force déchirante et d’une beauté renversante : « Voilà la seule chose qui mérite d’exister : l’amour. Le reste est silence ».

    L’édition 2025 aura lieu du 5 au 14.09. Le jury sera présidé par Golshifteh Farahani.

    Retrouvez mon bilan de l’édition 2024 du Festival du Cinéma Américain de Deauville dans le magazine Normandie Prestige 2025

    Communiqué de presse du Festival du Cinéma Américain de Deauville au sujet de l'affiche :

    Derrière le soleil brûlant de la Californie, ses palmiers légendaires, sa nature généreuse et ses grands espaces, son Lifestyle légendaire, c’est l’épitome de l’industrie du cinéma cohabitant avec ses rêves d’avant-garde, c’est l’Amérique tout entière, que nous regardons, que nous rêvons, et que nous admirons.

    Phare encore scintillant de valeurs progressistes, féministes et humanistes, incarnation de l’excellence cinématographique, la Californie - et ses emblèmes que sont Los Angeles et Hollywood - personnifie ce pays de la liberté, de l’innovation, et de la création.

    Avec cette affiche, nous rendons hommage aujourd’hui à sa résilience, sa solidarité, et sa capacité à renaître de ses cendres après les épreuves du Covid, des grèves et des incendies.

    Deauville se veut plus que jamais un espace de conversation et de dialogue avec l’Amérique, à travers son cinéma, véhicule privilégié de ses valeurs et de ses inquiétudes.

    Gageons que cette amitié culturelle aura de longs jours devant elle, et nous serons heureux de la sceller à Deauville.

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  • Le Ciné-club Barrière de retour à Deauville, à l'hôtel du Golf

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    Je vous parlais récemment du Plaza Cinéma Club à l'hôtel Plaza Athénée à Paris. Les hôtels parisiens ne sont cependant pas les seuls à mettre le septième art à l’honneur.  Le cinéma est également à l’honneur à Deauville et à La Baule, dans deux hôtels dont je vous ai souvent parlé ici (retrouvez ici mon dernier article sur l'hôtel Barrière L'Hermitage de La Baule).  

    Du 12 au 27 juillet, le Ciné-Club Barrière fait en effet son grand retour et vous propose une parenthèse cinématographique inédite à L'Hermitage La Baule et à L'Hôtel du Golf Deauville. Les hôtes des trois hôtels Barrière de Deauville et de La Baule pourront assister à la projection d'un film iconique, en présence d'une personnalité du cinéma. Après le triomphe de la première édition l'été dernier, le Ciné-Club Barrière revient pour la saison 2 ! En présence des plus grands noms du cinéma français, Géraldine Nakache, Julie Delpy, Pascal Elbé ou encore Hafsia Herzi, vos soirées cinéma prennent une autre dimension. À Deauville ou La Baule, installez-vous confortablement, casque sur les oreilles, coupe de champagne à la main, et profitez de soirées cinéma exclusives avec des films français cultissimes à l'affiche.

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    Après la projection, place à la rencontre. Un échange rare avec ceux qui écrivent, jouent et vivent le cinéma.

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    À L'AFFICHE

    L'Hermitage, La Baule

    12/07 : Film "Les Barbares" • En présence de Julie Delpy

    15/07 : Film "Tout ce qui brille" • En présence de Géraldine Nakache

    16/07 : Film "On est fait pour s'entendre" • En présence de Pascal Elbé

    L'Hôtel du Golf, Deauville

    25/07 : Film "Le sens de la fête" • En présence d'Olivier Nakache

    26/07 : Film "Alibi.com" • En présence de Philippe Lachaux & Elodie Fontan

    27/07 : Film "La petite dernière" • En avant-première • En présence de Hafsia Herzi


    Inscription sur place à votre arrivée, auprès de la Conciergerie de l'hôtel.

     Retrouvez, ici, mon article sur la saison 1 du ciné-club Barrière et mon avis sur l'hôtel Castel Marie-Louise.

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  • 50ème Festival du Cinéma Américain de Deauville - Critique de CASABLANCA de Michael Curtiz

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    Parmi les 50 chefs-d'œuvre du cinéma américain projetés dans le cadre du 50ème anniversaire du festival figure ce film incontournable que vous pourrez (re)voir en ce dernier jour du festival, au cinéma Morny, à 18H30, pour clôturer en beauté cette mémorable édition 2025. 

    On ne présente plus « Casablanca » ni Rick Blaine (Humphrey Bogart), le mystérieux propriétaire du bigarré Café Américain. Nous sommes en 1942, à Casablanca, là où des milliers de réfugiés viennent et échouent des quatre coins de l’Europe, avec l’espoir fragile d’obtenir un visa pour pouvoir rejoindre les Etats-Unis. Casablanca est alors sous le contrôle du gouvernement de Vichy. Deux émissaires nazis porteurs de lettres de transit sont assassinés. Ugarte (Peter Lorre), un petit délinquant, les confie à Rick alors qu’il se fait arrêter dans son café. C’est le capitaine Renault (Claude Rains), ami et rival de Rick, qui est chargé de l’enquête tandis qu’arrive à Casablanca un résistant du nom de Victor Laszlo (Paul Henreid). Il est accompagné de sa jeune épouse : la belle Ilsa (Ingrid Bergman). Rick reconnaît en elle la femme qu’il a passionnément aimée, à Paris, deux ans auparavant…

    Casablanca est un film qui contient plusieurs films, plusieurs histoires potentielles esquissées ou abouties, plusieurs styles et tant de destins qui se croisent.
    Plusieurs films d’abord. Casablanca est autant le portrait de cette ville éponyme, là où tant de nationalités, d’espoirs, de désespoirs se côtoient, là où l’on conspire, espère, meurt, là où la chaleur et l’exotisme ne font pas oublier qu’un conflit mondial se joue et qu’il est la seule raison pour laquelle des êtres si différents s'y retrouvent et parfois s’y perdent.
    C’est ensuite évidemment l’histoire de la Résistance, celle de la collaboration, l’Histoire donc.
    Et enfin une histoire d’amour sans doute une des plus belles qui ait été écrite pour le cinéma. De ces trois histoires résultent les différents genres auxquels appartient ce film : vibrante histoire d’amour avant tout évidemment, mais aussi comédie dramatique, film noir, mélodrame, thriller, film de guerre.
    Peu importe le style auquel il appartient, ce qui compte c’est cette rare alchimie. Cette magie qui, plus de 70 ans après, fait que ce film est toujours aussi palpitant et envoûtant.

    L’alchimie provient d’abord du personnage de Rick, de son ambiguïté. En apparence hautain, farouche individualiste, cynique, velléitaire, amer, il se glorifie ainsi de « ne jamais prendre parti », de « ne prendre de risque pour personne » et dit qu’ « alcoolique » est sa nationalité ; il se révèle finalement patriote, chevaleresque, héroïque, déterminé, romantique. Evidemment Humphrey Bogart avec son charisme, avec son vieil imper ou son costume blanc (qui reflètent d’ailleurs le double visage du personnage), sa voix inimitable, sa démarche nonchalante, ses gestes lents et assurés lui apporte un supplément d’âme, ce mélange de sensibilité et de rudesse qui n’appartient qu’à lui. Un personnage aux mille visages, chacun l’appelant, le voyant aussi différemment. Auparavant surtout connu pour ses rôles de gangsters et de détectives, Humphrey Bogart était loin d’être le choix initial (il fut choisi après le refus définitif de George Raft) tout comme Ingrid Bergman d’ailleurs (Michèle Morgan, notamment, avait d’abord été contactée), de même que le réalisateur Michael Curtiz n’était pas le choix initial de la Warner qui était William Wyler. On imagine désormais mal comment il aurait pu en être autrement tant tous concourent à créer cette alchimie…
    Ensuite cette alchimie provient évidemment du couple que Bogart forme avec Ingrid Bergman qui irradie littéralement l’écran, fragile, romanesque, nostalgique, mélancolique notamment grâce à une photographie qui fait savamment briller ses yeux d’une tendre tristesse. Couple romantique par excellence puisque leur amour est rendu impossible par la présence du troisième personnage du triangle amoureux qui se bat pour la liberté, l’héroïque Victor Laszlo qui les place face à de cruels dilemmes : l’amour ou l’honneur. Leur histoire personnelle ou l’Histoire plus grande qu’eux qui tombent « amoureux quand le monde s’écroule ». L’instant ou la postérité.
    Et puis il y a tous ces personnages secondaires : Sam (Dooley Wilson), le capitaine Renault, … ; chacun incarnant un visage de la Résistance, de la collaboration ou parfois une attitude plus ambiguë à l’image de ce monde écartelé et divisé dont Casablanca est l’incarnation.
    Concourent aussi à cette rare alchimie ces dialogues, ciselés, qui, comme le personnage de Rick oscillent entre romantisme noir et humour acerbe : « de tous les bistrots, de toutes les villes du monde c’est le mien qu’elle a choisi ». Et puis ces phrases qui reviennent régulièrement comme la musique de Sam, cette manière nonchalante, presque langoureuse que Rick a de dire « Here’s looking at you, kid » .

    Et comme si cela n’était pas suffisant, la musique est là pour achever de nous envoûter. Cette musique réminiscence de ces brefs instants de bonheur à Paris, entre Rick et Ilsa, à « La Belle Aurore » quand l’ombre ne s’était pas encore abattue sur le destin et qu’il pouvait encore être une « belle aurore », ces souvenirs dans lesquels le « Play it again Sam » les replonge lorsque Ilsa implore Sam de rejouer ce morceau aussi célèbre que le film : « As time goes by » ( la musique est signée Max Steiner mais « As time goes by » a été composée par Herman Hupfeld en 1931 même si c’est « Casablanca » qui l’a faîte réellement connaître).
    Et puis il y a la ville de Casablanca d’une ensorcelante incandescence qui vibre, grouille, transpire sans cesse de tous ceux qui s’y croisent, vivent de faux-semblants et y jouent leurs destins : corrompus, réfugiés, nazis, collaborateurs… .

    La réalisation de Michael Curtiz est quant à elle élégante, sobre, passant d’un personnage à l’autre avec beaucoup d’habileté et de fluidité, ses beaux clairs obscurs se faisant l’écho des zones d’ombre des personnages et des combats dans l’ombre et son style expressionniste donnant des airs de film noir à ce film tragique d’une beauté déchirante. Un film qui comme l’amour de Rick et Ilsa résiste au temps qui passe.teurs ne connaissaient d’ailleurs pas au début et qui fut décidée au cours du tournage, cette fin qui fait de « Casablanca » sans doute une des trois plus belles histoires d’amour de l’histoire du cinéma. Le tournage commença ainsi sans scénario écrit et Ingrid Bergman ne savait alors pas avec qui son personnage partirait à la fin, ce qui donne aussi sans doute à son jeu cette intrigante ambigüité. Cette fin jusqu’à laquelle l’incertitude est jubilatoire pour le spectateur) qui rend cette histoire d’amour intemporelle et éternelle. Qui marque le début d’une amitié et d’un engagement (le capitaine Renault jetant la bouteille de Vichy, symbole du régime qu’il représentait jusqu’alors) et est clairement en faveur de l’interventionnisme américain, une fin qui est aussi un sacrifice, un combat pour la liberté qui subliment l’histoire d’amour, exhalent et exaltent la force du souvenir (« nous aurons toujours Paris ») et sa beauté mélancolique.
    La réalisation de Michael Curtiz est quant à elle élégante, sobre, passant d’un personnage à l’autre avec beaucoup d’habileté et de fluidité, ses beaux clairs obscurs se faisant l’écho des zones d’ombre des personnages et des combats dans l’ombre et son style expressionniste donnant des airs de film noir à ce film tragique d’une beauté déchirante. Un film qui, comme l’amour de Rick et Ilsa, résiste au temps qui passe.

    Le tout concourant à ce romantisme désenchanté, cette lancinance nostalgique et à ce que ce film soit régulièrement classé comme un des meilleurs films du cinéma mondial. En 1944, il fut ainsi couronné de trois Oscars (meilleur réalisateur, meilleur scénario adapté, meilleur film) et l’American Film Institute, en 2007, l’a ainsi classé troisième des cents meilleurs films américains de l’Histoire derrière l’indétrônable « Citizen Kane » et derrière « Le Parrain ».


    Le charme troublant de ce couple de cinéma mythique et le charisme ensorcelant de ceux qui les incarnent, la richesse des personnages secondaires, la cosmopolite Casablanca, la musique de Max Steiner, la voix de Sam douce et envoûtante chantant le nostalgique « As time goes by », la menace de la guerre lointaine et si présente, la force et la subtilité du scénario (signé Julius et Philip Epstein d’après la pièce de Murray Burnett et Joan Alison « Everybody comes to Rick’s »), le dilemme moral, la fin sublime, l’exaltation nostalgique et mélancolique de la force du souvenir et de l’universalité de l’idéalisme (amoureux, résistant) et du combat pour la liberté font de ce film un chef d’œuvre…et un miracle quand on sait à quel point ses conditions de tournage furent désastreuses.
    La magie du cinéma, tout simplement, comme le dit Lauren Bacall : « On a dit de Casablanca que c’était un film parfait évoquant l’amour, le patriotisme, le mystère et l’idéalisme avec une intégrité et une honnêteté que l’on trouve rarement au cinéma. Je suis d’accord. Des générations se plongeront dans le drame du Rick’s Café Américain. Et au fil du temps, le charme de Casablanca, de Bogey et de Bergman continuera à nous ensorceler. C’est ça, la vraie magie du cinéma ».


    Un chef d’œuvre à voir absolument. A revoir inlassablement. Ne serait-ce que pour entendre Sam (Dooley Wilson) entonner « As time goes by » et nous faire chavirer d’émotion …

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  • Festival du Cinéma Américain de Deauville 2025 : cérémonie de clôture, palmarès et critique de FINALEMENT de Claude Lelouch

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    Parmi les films projetés dans le cadre de l’hommage à Michelle Williams figurait The Fabelmans de Spielberg.  Un film qui est une déclaration d’amour fou à ses parents et au cinéma. Un film mélancolique, flamboyant, intime et universel. Une ode aux rêves qu’il faut poursuivre coûte que coûte, malgré le danger, comme on pourchasserait une tornade dévastatrice. Un film sur le pardon, la curiosité. À fleur de peau. À fleur d’enfance. La force du cinéma en un film. Le cinéma qui transcende, transporte, révèle. Qui mythifie la réalité et débusque le réel. Le cinéma qui éclaire et sublime la réalité comme une danse à la lueur des phares. L’art cathartique aussi comme instrument de distanciation. L’art qui capture la beauté, même tragique. 

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    C’est tout ce cinéma-là, aussi, qu’a célébré cette 50ème édition du Festival du Cinéma Américain de Deauville, une édition particulièrement enthousiasmante. Ce soir était venue l’heure de clore cette mémorable édition 2025.

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    Je n’ai pas eu le temps de vous parler de tous les films vus, je le ferai ultérieurement. ¨Parmi ces films, Megalopolis de Coppola, présenté en avant-première dans le cadre du festival, film dans lequel figurent quelques plans mémorables et moments poétiques comme celui lors duquel le démiurge César/ Driver/Coppola suspend littéralement le vol du temps et des images, même si le reste du film est désordonné, trop foisonnant d'idées et thèmes (passionnants pourtant)  peut-être. Coppola a par ailleurs bouleversé les festivaliers en évoquant son épouse récemment disparue. Mais je m’égare...

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    Revenons à cette clôture et cette cérémonie du palmarès lors de laquelle Natalie Portman (après l’inauguration de sa cabine sur les planches cet après-midi) a reçu un Deauville Talent Awar, remis par Isabelle Adjani qui a adressé une véritable déclaration d’admiration à l’actrice américaine : "Black swann est un film dingue dans lequel ton interprétation est dingue. Il y a eu All about eve. Il y aura désormais May december." Elle est aussi revenue sur son engagement et le rôle cruciale qu’elle a joué dans #Metoo :

    « Vous, Natalie Portman, n’avez cessé d’incarner des films (…) dont le cinéma à besoin. Vous êtes une actrice plurielle, une beauté de tous les temps, une diplômée de Harvard, une féministe engagée, citoyenne du monde, réalisatrice et productrice. Que faut-il avoir de plus pour donner un sens plus humain à la définition de star ? »

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    Avec un discours passionné et engagé, Natalie Portman a prouvé à quel point elle méritait cette admiration et cette distinction.

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    Parmi la compétition officielle qui comptait 14 films, 8 étaient des premiers longs-métrages, témoignant ainsi du rôle de découvreur de talents de ce festival.

    Le Prix Barrière a ainsi été attribué à La Cocina d’Alonso Ruizpalacios, film dont je vous avais parlé ici il y a quelques jours. « Quand j’ai dit à mon père que j’allais à Deauville, il m’a dit que c’était la ville de Un homme et une femme. C’est son film préféré. Merci à lui de m’avoir permis d’être là », a ainsi déclaré le réalisateur.

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    Je vous laisse découvrir le reste du palmarès ci-dessous dans lequel figure aussi mon favori, Color book de David Fortune qui a reçu le prix de la critique, un film poignant d'une grande tendresse et sensibilité auquel sied parfaitement son noir et blanc d'une douceur mélancolique.

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    La soirée s’est achevée avec la projection du 51ème film de Claude Lelouch, Finalement, en présence d’une partie de l’équipe du film. Je vous en propose ma critique, ci-dessous, sous le palmarès.

    PALMARES 
    Grand Prix
    IN THE SUMMERS d'Alessandra Lacorazza Samudio
    Prix du Jury
    THE KNIFE de Nnamdi Asomugha
    Prix Barrière du 50ème
    LA COCINA de Alonso Ruizpalacios
    Prix de la Révélation 2024
    IN THE SUMMERS d'Alessandra Lacorazza Samudio
    Prix du Public de la Ville de Deauville
    THE STRANGERS' CASE de Brandt Andersen
    Prix de la Critique
    COLOR BOOK de David Fortune

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    Prix CANAL + spécial 50e anniversaire
    THE SCHOOL DUEL de Todd Wiseman Jr.
    Prix d’Ornano-Valenti 2024
    RABIA de Mareike Engelhardt

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    Critique de FINALEMENT de Claude Lelouch

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    Un film de Claude Lelouch est toujours un évènement, a fortiori lorsqu’il est projeté en avant-première dans la ville qu’il a immortalisée par ce chef-d’œuvre qu’est Un homme et une femme (palme d’or 1966). L’émotion était d’autant plus au rendez-vous que cette projection a lieu quelques semaines seulement après le décès d’Anouk Aimée (à qui le festival a rendu un bouleversant hommage en ouverture).

    Dans ce 51ème film, Claude Lelouch nous invite à un inclassable et jubilatoire road movie dans lequel Kad Merad, qui porte ici le prénom de…Lino, avocat, devenu subitement « sans filtre » (moment de folie et/ou de lucidité) à cause d’une maladie, décide de disparaître et de partir sur les routes de France, seul et sans but…

    Pour ce film Claude Lelouch nous fait sillonner les routes de France qu’il filme amoureusement, de la baie du Mont-Saint-Michel (où a été tournée la très originale et intrigante bande annonce du film), à la Bourgogne, en passant par Béziers, Avignon, Le Mans, et évidemment Paris, là où vit la femme de Lino, Léa (Elsa Zylberstein, qui tourne ici pour la cinquième fois sous la caméra de Claude Lelouch), ses deux enfants dont Barbara (Barbara Pravi) et son frère (Boaz Lelouch), sa mère (Marie-France Pisier) et son meilleur ami (Michel Boujenah) sans oublier sa demi-sœur (Sandrine Bonnaire) qu’il rencontre pour la première fois alors qu’elle est mise en cause pour proxénétisme. Raphaël Mezrahi, Clémentine Celarié, Dominique Pinon, Julie Ferrier, Lionel Abelanski et François Morel font également partie de cet impressionnant casting. Et surtout la remarquable Françoise Gillard dans le rôle de Manon à qui l’on souhaite de nombreux autres rôles au cinéma après celui-ci. Elle crève et illumine littéralement l’écran par sa justesse remarquable et son sourire qui irradie.

    Entre comédie musicale et road movie, teinté de fantastique (avec l’apparition de Jésus, et ses disciples,) et de Dieu), ce film fait l’éloge de l’amour, la famille, la liberté…mais aussi du cinéma avec des références explicites à Sur la route de Madison de Clint Eastwood ( ce film qui se « termine par des souvenirs, de beaux souvenirs ») et à La Grande Illusion de Jean Renoir.

    Ce film ravira les inconditionnels du cinéma de Claude Lelouch (dont je suis) avec ses aphorismes récurrents (« On ne meurt pas d’une overdose de rêves », « Le pire n’est jamais décevant ») mais surtout avec de nombreuses références à ses anciens films, en particulier La Bonne année (Lino est ici le fils qu’auraient eu les personnages incarnés par Marie-France Pisier et Lino Ventura dans La Bonne année, rappelons-le le film préféré d’un certain …Kubrick) mais aussi L’aventure c’est l’aventure puisque Sandrine Bonnaire est ici la fille du personnage incarné par Nicole Courcel, leader du syndicat des prostituées dans le film en question. Le film fait aussi penser à Itinéraire d’un enfant gâté dans lequel Sam Lion (Jean-Paul Belmondo) disparaissait également.

    Chaque minute de ce film transpire de l’amour de la vie du cinéaste qui ne cesse de la sublimer. Empreint de nostalgie et de musique, ce nouveau long métrage est particulièrement séduisant. En apparence désordonné, il est au contraire particulièrement bien construit, entremêlant plusieurs récits (comme celui de l’autrice incarnée par Marianne Denicourt qui pourrait être le sujet d'un long-métrage entier).

    Le film commence par le spectacle d’un homme qui imagine ce qu’il ferait si la fin du monde avait lieu dans deux ans, et c’est finalement ce à quoi nous enjoint le cinéaste : profiter de chaque poussière de seconde.  D’emblée, le film est annoncé comme « une fable mise en scène par Claude Lelouch ». Une fable mélancolique et joyeuse, truffée de bonnes idées de scénario et de mise en scène qui prouvent que le cinéaste fourmille toujours d’imagination, et qu'il n'a rien perdu de sa fantaisie comme l’idée de cette avocat qui endosse les personnalités de ses clients, ce qui laisse perplexe ceux qui le prennent en stop puisqu’il leur raconte les pires horreurs qu’il aurait commises. C’est aussi déroutant que réjouissant pour le spectacteur. L’avocat spécialisé dans les affaires de mœurs,  pour mieux comprendre les clients qu’il défend, se met ainsi à leur place.

    Une ode à la folie des sentiments mais aussi à la musique, «  le plus beau des médicaments » portée par celle d’Ibrahim Maalouf et les chansons de Barbelivien dont celle qui porte le titre du film, interprétée au dénouement par Barbara Pravi et Kad Merad, avec laquelle nous quittons la salle, bouleversés par cet instant de magie et par cette « histoire d’amour entre un piano et une trompette » qui nous donne envie d’empoigner la vie parce que  « Vivre mal, c'est pire que mourir » et « tout ce qu’on fait dans la vie, c’est pour aimer et être aimé ». Merci Monsieur Lelouch pour ce 51ème film, en espérant que ce Finalement porte mal son titre et qu'il ne s'agira pas du dernier...

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  • Critique de LA COCINA (The Grill) de Alonso Ruizpalacios- Prix Barrière du 50ème Festival du Cinéma Américain de Deauville

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    Ce soir, La Cocina a obtenu le Prix Barrière de ce 50ème Festival du Cinéma Américain de Deauville, l’occasion de vous parler à nouveau plus longuement d’un de mes coups de cœur de cette 50ème édition. La Cocina (The Grill) est une adaptation de la pièce de théâtre The Kitchen d’Arnold Wesker, de 1957.

    Cela commence ainsi : New York apparaît, proche et lointaine, à travers la vitre carrée d’un ferry. Un oiseau s’envole : la liberté n’est pas loin non plus, mais semble inaccessible. La musique est lyrique et emphatique. S’affichent ensuite ces mots de Henry David Thoreau :

    « Réfléchissons à la manière dont nous menons notre vie. Ce monde est un lieu d’affaires. Quelle agitation incessante. Presque chaque nuit je suis réveillé par le halètement des locomotives. Qui interrompent mes rêves. »

    Le ton est donné. Nous voilà partis pour 2H16 en noir et blanc, au format carré, direction une cuisine dans laquelle cela ne tourne pas rond…

    Une jeune hispanique se fraie un chemin jusqu’à la 49ème. Là, elle entre par la petite porte, à l’arrière du restaurant The Grill.  Sur son chemin un homme ironise sur le nom de l’endroit « Times Square » qui n’« est pas carré ». La jeune femme ne parle pas un mot d’anglais, n’a pas vraiment rendez-vous, mais arrive à se faire embaucher.

    C’est le coup de feu dans la cuisine du Grill, restaurant très animé de Manhattan. Cela grouille et crie de partout. Pedro (Raúl Briones), cuisinier rebelle, tente de séduire Julia (Rooney Mara), l'une des serveuses. Mais quand le patron découvre que 800 dollars ont été volés dans la caisse, tout le monde devient suspect et le service dégénère.

    La cuisine brasse de nombreuses nationalités, d’ailleurs chacun s’interpelle ainsi, par sa nationalité. C’est le melting pot américain dans un microcosme. S’y côtoient ( et s’y heurtent, surtout) les nationalités marocaine, colombienne, mexicaine…

    Les plans sont soignés, singuliers, marquants comme ces homards qui tombent devant une étrange statue de la liberté. La cuisine est filmée amoureusement. C’est pourtant la guerre dans les coursives. La cuisine est inondée. Le navire de guerre prend l’eau mais le rythme ne faiblit pas. Travailler là est une question de vie ou de mort pour avoir ses papiers, continuer à vivre aux Etats-Unis. Les guerriers chutent et se relèvent.  Parfois une lumière verte ou bleue vient briser le noir et blanc, et apporter une note de rêve et une respiration : le véritable "american dream" peut-être.

    La cuisine devient un théâtre dans lequel on passe d’une intrigue à une autre avec maestria.  C’est bruyant, vivant, virevoltant, glissant, harassant, étouffant. Les employés s’en échappent pour quelques pauses cigarettes ou pour apporter les plats dans l’atmosphère beaucoup plus ouatée du restaurant. On pense au beaucoup plus classique mais non moins magistral Garçon de Claude Sautet dans lequel là aussi le service a lieu en un ballet vertigineux. La ressemblance s’arrête là.

    Tout est hiérarchisé, à en devenir fou. On sent que cela va exploser. Il n’y a pas une seconde de répit. Le format carré du cadre enferme les personnages (magnifique image de Juan Pablo Ramírez). Le boîtier par lequel arrivent les commandes des clients ne s’interrompt jamais. La pression est constante entre le service à mener, les altercations violentes entre employés, les interrogatoires liés au vol, et pour une des employés son rendez-vous à la clinique pour avortement… Elle est incarnée la trop rare Rooney Mara (Carol). La musique originale est signée Tomas Barreio.

    La mise en scène d’une grande élégance, les sons travaillés et dissonants, les plans séquences étourdissants, tout est là pour signifier l’explosion qui guette. Raúl Briones incarne toute la colère, toute la rage, toute la folie qui finissent par éclater et tout dévaster, et arrêter enfin la course insensée.

    Quand tout s’arrête dans une grande envolée surréaliste…on retient son souffle, avant d’emporter avec soi celui de ce film. Du grand art.